Les bibliothèques nationales, gardiennes des cultures nationales

Article de Ait Moussa, Soukaina. Boulvain, Lucie. Ibersiene, Frédéric. Szalaï, Gaëlle.
Mise à jour le 30 avril 2019 à 10h48.

Notre voyage d’étude à Copenhague s’ouvrira par la visite de la bibliothèque Royale du Danemark et plus précisément de la Bibliothèque Nationale du Danemark. En effet, depuis 2017, plusieurs bibliothèques d’ordre national ont fusionné (1) et l’on retrouve sous l’appellation Bibliothèque Royale des bibliothèques universitaires et la Bibliothèque Nationale Danoise sur laquelle nous focaliserons notre attention. Parmi les bâtiments situés sur les abords du fleuve qui traverse la capitale, le majestueux Diamant Noir est certainement le plus emblématique. Mais qu’est-ce qu’une bibliothèque nationale ? Pourquoi les Etats choisissent-ils d’établir de telles institutions et quelles sont leurs missions ?

Les Bibliothèques Nationales sont des institutions créées par des États. Chargées de diverses missions souvent définies par la loi selon les pays où elles sont établies et ayant chacune leurs particularités, elles ont cependant en commun d’avoir pour fonction principale de conserver et de promouvoir le savoir et le patrimoine culturel national (2) sous toutes ses formes (imprimés, manuscrits, estampes, photographies, films, etc.) acquis au cours des siècles et un rôle central d’information des bibliothèques du territoire.

Le dépôt légal







« Le dépôt légal sert à constituer une collection du patrimoine culturel diffus sur le territoire d’un pays. Il permet la collecte, la conservation et la consultation de documents de toute nature. »

Le dépôt légal, qu’est-ce que c’est ? Graphiline.com
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En premier lieu, et dans les pays où il existe, le dépôt légal est une source importante d’expansion de la collection des bibliothèques nationales : les livres imprimés, les périodiques mais aussi dans certains pays les films sont obligatoirement déposés par leurs auteurs ou par leurs éditeurs .
(Crédit photo : Fredo)

Le dépôt légal peut se résumer au fait qu’un livre écrit par un auteur ou édité par une maison d’édition (production, impression,…) doit être remis en deux exemplaires à la Bibliothèque Nationale du territoire. L’un sera à disposition du public et l’autre sera conservé de manière à ne pas le perdre, ni l’abîmer. Ainsi le dépôt légal est gratuit mais obligatoire. Des amendes peuvent être infligées en cas de manquement à cette règle.
Les lois qui définissent le dépôt légal sont assez similaires entre les différents pays, les seules différences pouvant apparaître étant celles concernant les règles appliquées à certains documents spécifiques. Le type de document que conserve une Bibliothèque Nationale est propre à chacune mais « on trouvera toujours dans ce document une mention légale où sont indiqués les références bibliographiques et l’ISBN, mais aussi le terme « dépôt légal » accompagné d’une année. » (4)

La bibliographie nationale






La Bibliographie nationale française rassemble les notices bibliographiques des documents édités ou diffusés en France, et reçus par la BnF [Bibliothèque nationale de France] au titre du dépôt légal. (5) Cette définition est peu ou prou la même pour les autres bibliographies nationales. En bref, les bibliographies nationales dépendent des dépôts légaux décrits plus haut.

les livres publiés en Norvège jusqu’en 1814, Scania (l’actuelle Suède) jusqu’en 1658, en Schleswig-Holstein (l’actuelle Allemagne) jusqu’en 1864 sont inclus.(6). Elles dépendent donc également de l’Histoire du pays comme, par exemple, pour la bibliographie nationale danoise Elles sont publiées de manière périodique et recensent les œuvres remises au dépôt légal d’un pays. Elles dépendent donc de la législation définissant ce dernier. De plus en plus numérisées, elles paraissent sur les sites web des bibliothèques nationales.
(Photo : Bibliotekscentralen (Denmark), Dansk Bibliografisk Kontor, Folkebibliotekernes Bibliografiske Konto)


Politique documentaire






En assurant la description de la production imprimée nationale, elles ont également une fonction centrale d’agence bibliographique nationale : elles servent ainsi de source de référence et d’appui à de nombreuses autres institutions. Certaines ont participé au développement du MARC (British Library et Library of Congress) (7). Elles jouent également un rôle scientifique en participant à l’étude de leur propre fonds mais aussi un rôle de mise en valeur de ce fonds auprès du public lors, par exemple, d’expositions sur place ou de prêts à d’autres lieux. Elles servent ainsi la promotion de la politique culturelle et informationnelle du pays et peuvent collaborer parfois étroitement avec un gouvernement lors, par exemple, de campagnes nationales contre l’illettrisme.
(Photo : Wikipedia / Thue)

Les bibliothèques nationales conservent aussi les manuscrits de valeur historique ainsi que toutes sortes de cartes, de plans et de photographies d’intérêt national. Certaines se donnent pour mission d’archiver le web “national” (comme, par exemple, le projet d’archivage du web belge, intitulé “Promise”(8) ). Toujours dans une optique de conservation du patrimoine national, elles acquièrent ou échangent tout document susceptible d’intéresser le pays, y compris des productions étrangères. Elles bénéficient aussi parfois de dons.

Elles peuvent permettre le prêt d’une partie des documents qu’elles possèdent ou organiser une consultation sur place ou à distance grâce à la numérisation. La plupart du temps de salles de lecture sont à disposition du public même si de nombreux ouvrages se trouvent en salles de stockage fermées, les documents étant alors généralement accessibles sur demande.

British Library – Photo : Wikipedia / Jack1956
Library of Congress – Photo : Wikipedia / Carol M. Highsmith

Les quatre bibliothèques nationales les plus importantes et les plus connues sont la Bibliothèque Nationale à Paris, la British Library à Londres, la Bibliothèque Nationale de Russie (anciennement Bibliothèque Lénine) et la Library of Congress à Washington. la dernière étant celle possédant la plus grande collection (152 millions d’entrées), la première étant la plus ancienne (1461) (9). Notons que certains pays possèdent plusieurs bibliothèques nationales (10), comme l’Italie (principalement celles de Florence et de Rome (11) ) et la Russie (dotée d’un réseau de bibliothèques nationales (12) chargées du dépôt légal).

Bibliothèque nationale Russe, site Nevski – Photo : Wikipedia / Peterburg23
La BnF, site François Mitterrand – Photo : Wikipedia / Thesupermat

L’équivalent de la KGL en Belgique :
la KBR

(Photo : Wikipédia/savant-Fou)

La Bibliothèque royale de Belgique est la plus importante bibliothèque du royaume avec ses 8 millions de documents (13). Notons que le rapport annuel de 2016 (14) de la KBR parle de 7 millions de documents : 1 million de plus en 3 ans !). C’est une bibliothèque scientifique fédérale qui dépend du BELSPO (politique scientifique fédérale). On ne peut y emprunter les documents : il s’agit d’une bibliothèque strictement et uniquement de présentation. 9 salles de lecture sont disponibles pour consulter les ouvrages. Dans la tour des livres, les ouvrages sont classés par ordre d’inventaire mais, les formats hors-normes sont mis à part. (15)

Quelques chiffres tirés du rapport annuel de la KBR de 2017 (16):
100.000 documents s’ajoutent aux collections chaque année
– Dépôt légal : 12.412 titres de périodiques et 39.052 livres ajoutés.
99.706 visiteurs, 62.945 lecteurs en salle de lecture générale, 34.046 documents consultés.

L’institution vient de recevoir un budget de 7 millions d’euros qui vont être consacré à sa modernisation. Ses missions essentielles restent les mêmes mais un accent va être porté sur la numérisation et sur la mise en ligne des documents numérisés. (17)
La KBR avait débuté un programme de numérisation depuis seulement 2011 et avait, dans ce but, créé le service DIGIT même s’il arrive que l’institution fasse appel à des services extérieurs (18). La numérisation fonctionne par projet. Il y en a actuellement 7 en cours et 12 projets sont terminés (19). Autre grand point de cette modernisation : le dépôt légal sera étendu aux publications numériques (PROMISE (20), évoqué dans le cadre du cours d’Informatique documentaire de M. Di Pretoro, lui-même partie prenante à ce projet). Enfin, le bâtiment sera rénové avec une plus grande ouverture et une accessibilité améliorée. Un nouveau musée sera créé et de nouvelles expositions seront proposées (21).

La KBR proposait déjà très régulièrement des concerts dans le cadre des “Concerts de midi” (22) et met une cafétéria (23) à la disposition des lecteurs depuis plusieurs années.

Pour son financement, outre ces 7 millions d’euros du programme de rénovation, la KBR fait notamment appel aux dons et à la souscription aux “Amis de KBR” (24) (40e/an) gratifiant les donateurs de quelques avantages et ayant permis à la KBR d’effectuer quelques acquisitions. Les coûts d’inscription vont de 5€ pour une carte journalière à 25€ pour une carte annuelle. Les journalistes et les étudiants bénéficient d’un tarif annuel de 15€. (25)

Depuis le 1er Avril 2019, la KBR s’est lancée dans une enquête « LibQUAL+ » (26) se basant sur un questionnaire de l’Association des Bibliothèques de recherche (ARL), qui regroupe 124 bibliothèques universitaires et de recherche basées essentiellement aux Etats-Unis et au Canada (27). Quels outils la KGL utilise-telle pour mesurer le niveau de satisfaction de ses usagers ? Utilise-t-elle le même protocole ? On peut simplement remarquer que ni la KBR et ni la KGL ne font partie de cette association.

Conclusion : Nous l’avons vu, si elles ont des points communs dans leurs missions, les bibliothèques nationales sont également toutes différentes. La visite de celle du Danemark laisse présager des choix intéressants notamment quant à leurs avancées dans le domaine de la numérisation et de la mise en accès public de ces documents numérisés mais aussi au niveau de l’organisation des divers bâtiments et évidemment l’architecture avec le Diamant Noir et sa silhouette impressionnante. Ce sera également l’occasion de mieux comprendre ce qui peut intéresser la Bibliothèque Nationale du Danemark dans la production étrangère. L’intrication des histoires de certains pays, et notamment en Scandinavie, fait peut-être également se poser la question de la restitution (ou pas !) de certains documents devenus entre-temps « étrangers ».