À la découverte des bibliothèques muséales

Comme nous le verrons par la suite, les bibliothèques muséales sont peu connues du grand public. Dans cet article, nous allons découvrir leurs origines, les liens avec les sciences de l’information et de la communication, leurs publics et leurs usages. Des exemples viendront illustrer les propos.

Un peu d’histoire

© Tolzmann, Don Heinrich; Alfred Hessel and Reuben Peiss. The Memory of Mankind. New Castle, DE: Oak Knoll Press, 2001

Avant de se lancer dans la découverte des différents usages et du public des bibliothèques de musées, faisons un petit retour en arrière sur les origines de ces institutions. Ces bibliothèques spécialisées, bien que peu connues du grand public, partagent la vie des citoyens depuis plusieurs siècles maintenant.

En effet, les bibliothèques muséales, comme leur nom l’indique, sont rattachées aux musées. L’étymologie du mot “musée” vient du “Museion[1]. Le Museion était un temple consacré aux muses dans l’Antiquité – plus connu sous le nom de Grande bibliothèque d’Alexandrie – créé par le roi d’Egypte Ptolémée Ier Sôter. Ce lieu faisait office d’académie, de centre de recherche et de bibliothèque. Cette bibliothèque accueillit notamment celle d’Aristote. Elle fut une des premières bibliothèques de musée et une grande partie de celle-ci fut, malheureusement, réduite en cendres lors d’un incendie.

La volonté d’alimenter des collections, de manuscrits ou d’œuvres d’art, perdure du Moyen-Age jusqu’au 19e siècle. Les bibliothèques de musée ne sont cependant pas ouvertes au public puisque leur but premier est d’aider le personnel.

Seuls les chercheurs ou spécialistes pouvaient y entrer. Elles étaient considérées comme des extensions du musée. Elles permettaient d’apporter des informations supplémentaires sur les objets conservés dans les musées.

 Aujourd’hui, ces lieux ont évolué et proposent différents services pour des publics bien spécifiques. C’est ce que nous proposons de découvrir dans la suite de cet article.

Les bibliothèques muséales : pour quels publics?

La consultation des sites de bibliothèques de musées du Rijksmuseum et du musée Van Gogh aux Pays-Bas, du British Museum en Angleterre ainsi que la bibliothèque du Musée royal des Beaux-arts, et celle de l’Institut royal des sciences naturelles[2] en Belgique permettent d’avoir une petite idée sur les publics et les actions mises en place pour les attirer.

Les missions des bibliothèques de musées sont de conserver, d’enrichir et de mettre à disposition l’information. 

Les bibliothèques de musées possèdent en grande majorité des fonds spécialisés selon le domaine que couvre le musée. Le public visé est un public spécifique. La bibliothèque collabore tout d’abord avec le personnel du musée. Elle s’adresse également à plusieurs catégories de publics : les professionnels et spécialistes, les chercheurs et les étudiants (toute personne démontrant qu’elle effectue des recherches spécialisées) selon le domaine spécifique du musée.  Il existe néanmoins des bibliothèques de musées qui sont ouvertes aux visiteurs du musée afin de leur permettre d’approfondir le sujet qui les intéresse. Ceux-ci doivent alors s’inscrire et réserver les documents qu’ils souhaitent consulter.

Certaines bibliothèques de musées ont également mis en place une bibliothèque numérique [3]en mettant en ligne des corpus numérisés afin de valoriser les collections et de pousser à la consultation. Cette pratique s’est développée, car un certain nombre de personnes ne se déplaçaient plus et préféraient un lieu plus proche de chez eux ou souhaitaient consulter à distance.

Pour permettre d’avoir plus de visibilité, toutes les informations concernant la bibliothèque et le catalogue se trouvent sur le site du musée.

Les bibliothèques muséales… et l’infodoc?

Les bibliothèques muséales font-elles partie du vaste domaine des sciences de l’information et de la communication ? Un article intéressant se penche sur la question et met en lumière les similitudes existantes entre les métiers des sciences de l’information et ceux liés à la muséologie[4]. C’est ainsi que de nombreuses similitudes sont relevées entre le rôle du professionnel du patrimoine culturel et celui du professionnel de l’infodoc. Les tâches réalisées et les compétences sont elles aussi assez similaires. Nous observons par exemple le rôle de médiateur de l’information, faisant le lien entre le public et les collections. La gestion des collections muséales est, elle aussi, très similaire à la chaine documentaire connue dans les sciences de l’information. Bien que les publics, les objectifs et les collections soient différents, car les bibliothèques de musées ont avant tout un rôle de conservation, la manière de procéder est très proche de celle d’un centre de documentation, d’une bibliothèque publique ou scolaire…

Cependant, la valorisation des collections des bibliothèques muséales passe presque systématiquement par des expositions. Cette démarche s’inscrit dans une procédure de médiation entre le public et les collections, tout comme la vulgarisation scientifique[5]. Cette vulgarisation des collections offerte au public est un autre type de médiation qui rejoint le domaine de la communication et qui rend accessible au public l’étendue des collections des bibliothèques.

Des questions liées à l’avenir des archives et des collections de musées avec les avancées technologiques[6] se posent également. Le développement des technologies numériques bouleverse tant le secteur de l’infodoc que le secteur culturel et demande des adaptations et de nombreuses réflexions.

Quelques bibliothèques muséales

La bibliothèque du Musée Royal des beaux-arts de Belgique

© Michel Wal, Musée royal des Beaux-Arts de Belgique, 2001.

La Bibliothèque du musée Royal des beaux-arts de Belgique est une bibliothèque scientifique spécialisée dans l’histoire de l’art[7] et qui a comme principale fonction la conservation.  Elle a comme public cible le personnel scientifique du musée, mais elle est aussi ouverte aux professionnels et spécialistes des métiers de l’art, aux chercheurs en histoire de l’art, et également à toutes les personnes qui démontrent qu’elles effectuent une démarche scientifique. Une carte d’usager est nécessaire pour consulter la documentation et aucun ouvrage ne peut quitter la bibliothèque. La bibliothèque dispose d’un règlement qui est à la disposition des lecteurs. Le non-respect de celui-ci entraîne l’exclusion immédiate du contrevenant. Seule la reproduction à de simples fins de recherche ou d’étude de nature personnelle est autorisée au sein de l’établissement. La numérisation a également un grand rôle afin de valoriser et de faire connaître leurs collections. Le Musée numérique gère des projets de recherche liés à la numérisation des œuvres, contribue à donner un accès public aux collections en ligne via les catalogues FABRITIUS (Fine Arts BRussels InTernet & Intranet USers) et LOANA (LOAned Artworks), et supervise le Service photographique des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (malheureusement, au moment de rédiger ces lignes, le service photographique a dû suspendre ses activités faute de moyens). Elle comprend plus de 3000 titres au total.

Le Musée Royal de l’armée et d’histoire militaire

© Régie des Bâtiments, 2022

La bibliothèque du Musée Royal de l’armée et d’histoire militaire contient plusieurs siècles d’histoire et de technique militaires[8]. Si le musée présente des avions, comme des chars ainsi que des uniformes et même des armes, le centre de documentation propose des documents permettant d’enrichir ses connaissances sur toutes ces pièces muséales. Ouvert au grand public, le nombre de places est limité au sein du centre et il est demandé d’y traiter la documentation avec le plus grand soin possible. Le centre de documentation dispose d’une collection de 300 000 ouvrages. L’essentiel porte sur les 19e et 20e siècles. Les visiteurs peuvent consulter la collection d’ouvrages, de magazines et de journaux à partir d’une base de données.  Le centre de documentation conserve également les archives provenant du ministère de la Défense jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale. Elles sont répertoriées dans des inventaires consultables dans la salle de lecture. Plusieurs d’entre elles furent numérisées.

En Angleterre

 © British Museum Reading Room, 2022

Le British Museum[9] possède une bibliothèque comprenant une collection de plus de 300 000 volumes. Elle est accessible au public et reflète les forces historiques des divers départements de conservation du musée, s’intéressant principalement dans les cultures humaines, passées et présentes à travers le monde.

Nous y trouvons également des archives, qui préservent l’histoire du musée. Il s’agit d’une ressource essentielle pour soutenir les objectifs de recherches du musée et de la communauté des chercheurs au sens large.

Et aux Pays-Bas ?

© Bibliothèque de recherche du RIjksmuseum, 2017

La bibliothèque de recherche du Rijksmuseum[10] est l’une des principales bibliothèques d’art au monde. Elle comporte des catalogues de ventes aux enchères et d’expositions, des catalogues de commerce et de collection, ainsi que des livres, des périodiques. Des rapports annuels relatifs aux collections du musée sont collectés sans interruption depuis 1885. Dans la salle de lecture, vous pouvez consulter les collections de la bibliothèque, et dans la salle d’étude, les collections de la salle des estampes et la documentation des collections.

© Musée Van Gogh, 2017

La Bibliothèque du musée Van Gogh[11] dispose d’une collection de plus de 35 000 livres sur Vincent Van Gogh ainsi que sur plusieurs artistes du XIXe siècle. Elle est abonnée à plus de 40 périodiques de ventes aux enchères. Elle nécessite une inscription afin d’accéder à la salle de lecture au moins deux jours ouvrables à l’avance. Trois visiteurs peuvent être présents par bloc horaire. Il est possible d’indiquer la documentation que l’on souhaite consulter. Chaque année, cette bibliothèque acquiert plus de 1000 nouvelles publications.

Conclusion

Comme évoqué dans cet article, les bibliothèques de musée ne datent pas d’hier. Et oui, elles sont parmi nous depuis des siècles et sont encore de service aujourd’hui. Vous avez ainsi pu découvrir la bibliothèque du Musée royal des Beaux-Arts de Belgique, celle du British Museum à Londres ou encore celle du Rijksmuseum à Amsterdam. Les bibliothèques muséales conservent principalement des fonds bien spécifiques aux sujets traités dans le musée. Ces fonds attirent, bien évidemment, un public à leur image. Cependant, cela n’empêche pas les bibliothécaire de proposer un service tel que l’on pourrait le retrouver dans un centre de documentation classique. Ces institutions sont en développement permanent car elles doivent s’adapter aux nouvelles avancées technologiques. Cela donne envie de savoir à quoi ressemblera la bibliothèque muséale du futur…

Bibliographie

[1] Desgraves, Louis, 1988. La véritable histoire de la Bibliothèque d’Alexandrie. [en ligne]. 1 janvier 1988. [Consulté le 18 mars 2022]. Disponible à l’adresse : https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1988-04-0334-004
Une brève histoire des musées. [en ligne]. [Consulté le 18 mars 2022]. Disponible à l’adresse : https://usbeketrica.com/fr/article/une-breve-histoire-des-musees

[2] Bibliothèque | Institut royal des Sciences naturelles de Belgique.  [en ligne]. [Consulté le 18 mars 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.naturalsciences.be/fr/science/museum-library

[3] Bibliothèques numériques, patrimoine et documentation – Ocim. [en ligne]. [Consulté le 18 mars 2022]. Disponible à l’adresse : https://ocim.fr/2017/06/bibliotheques-numeriques-patrimoine-et-documentation/Find out how you can access the Museum’s Library and Archive.

[4] Ménard Elaine, Beaudoin Joan E. La muséologie au sein des sciences de l’information : utopie ou valeur ajoutée. In : La formation en sciences de l’information, n° 61, 2015. p.76-84.
Disponible à l’adresse : https://www.erudit.org/fr/revues/documentation/2015-v61-n2-3-documentation02049/1032812ar/

[5] Le Marec Joëlle. Les musées et bibliothèques comme espaces culturels de formation. In: L’Harmattan, n°11, 2016. p.9-38. Disponible à l’adresse : https://www.cairn.info/revue-savoirs-2006-2-page-9.htm

[6] Mairesse François. Musée et bibliothèque : Entre rapprochement et distance. In: Culture & Musées, n°21, 2013. p. 23-41. Disponible à l’adresse : https://www.persee.fr/doc/pumus_1766-2923_2013_num_21_1_1730#pumus_1766-2923_2013_num_21_1_T2_0033_0000

[7] La bibliothèque – Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique [en ligne]. [Consulté le 18 mars 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.fine-arts-museum.be/fr/la-recherche/la-bibliotheque#

[8] Bibliothèque | Musée Royal de l’Armée et d’Histoire Militaire [en ligne]. [Consulté le 18 mars 2022].
Disponible à l’adresse : https://www.klm-mra.be/D7t/fr/content/bibliotheque

[9] Library and Archive. The British Museum [en ligne]. [Consulté le 18 mars 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.britishmuseum.org/resources/library-and-archive

[10] Rijksmuseum, hét museum van Nederland. Rijksmuseum.nl [en ligne]. [Consulté le 18 mars 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.rijksmuseum.nl/nl

[11] Library. Van Gogh Museum [en ligne]. [Consulté le 18 mars 2022]. Disponible à l’adresse : https://www.vangoghmuseum.nl/en/visit/library

Van Der Wateren, Jan. The importance of museum libraries. INSPEL [en ligne]. 1999, no 33, p. 190‑198. [Consulté le 12 mars 2022]. Disponible à l’adresse : https://archive.ifla.org/VII/d2/inspel/99-4wajv.pdf

Bibliotheekcatalogus | Startpagina. [en ligne]. [Consulté le 18 mars 2022]. Disponible à l’adresse : https://library.vangoghmuseum.nl/home