Les archives, leur gestion et leur politique d’accroissement

© MURPHY, William. Prise le 18 juillet 2013. Réutilisation autorisée sans but commercial.

Si les centres d’archives et leur documentation variée sont un sujet passionnant, il persiste toujours un doute lorsque nous prenons le temps de nous pencher dessus : comment font les archives pour s’accroître, s’étendre et proposer toujours plus de contenu ? Leur politique d’accroissement est-elle si différente de celles en bibliothèques et centres de documentations ?

Qu’entend-on par « politique d’accroissement »?

L’accroissement ou collecte d’archives peut être défini par le mot « acquisition » : il s’agit d’une opération concernant l’entrée des fonds dans une institution ou un service.
Dès lors, il faut savoir que la collecte d’archives ne se fait pas au hasard ; nous ne pouvons pas, en tant qu’archivistes, acheter par coup de cœur ou par envie personnelle. Si cela reste possible au sein des bibliothèques publiques et autres centres de documentation, cela s’avère impossible dans le cadre des institutions abritant des archives. Elles doivent être cohérentes ! Il faut suivre une réglementation, une loi bien précise.

Voici les différents points qui nous permettront d’éclaircir un peu le sujet (1) :

1. Les diverses façons de recueillir des archives :

Il existe cinq manières de procéder : le versement direct, le don, les achats, le dépôt et la copie.

Le versement direct est caractérisé par un dépôt automatique lorsque les documents atteignent leur limite d’utilité administrative, et passent alors en phase définitive.

Les achats sont souvent des fonds cédés par des particuliers contre rémunération.

Enfin, une institution introduit une demande de copie à un autre centre d’archives dès lors qu’il lui sera impossible de se procurer, en son sein, un document ou fonds complet. Cela permettra leur mise à disposition.

2. Comment contrôler les archives qui entrent dans l’institution (1) :

Valable pour tout type d’archives, qu’elles soient au format papier ou électronique, le registre des entrées fourni des renseignements sur le donateur ainsi que le numéro d’entrée ; cela rend possible l’identification des différents documents.

Le bordereau de versement est un répertoire numérique recensant les documents arrivés dans l’institution.

3. Diverses procédures (1) :

Lorsque des fonds d’archives intermédiaires proviennent d’autres centres documentaires, elles sont, généralement, traitées de manière adéquate ; il suffira donc de les vérifier pour ensuite les placer auprès des documents appartenant au même lieu.

À l’inverse, lors de versements directs de services producteurs (entreprises, CPAS …) ou d’archives privées (familles royales, artistes …), c’est à l’institution accueillante d’analyser les différentes pièces, dossiers et séries : en effet, il est rare de recevoir ces archives correctement traitées.

4. Prospection (1) :

Il s’agit dans sa version de base, d’une opération vérifiant l’envoi et la réception de chaque document. La notion couvre de manière plus large, la stratégie de prospection et donc, d’acquisition et de collecte.

 

The National Archives of Ireland : son histoire

Les archives sont créées en 1988 (2) et ont permis la fusion de deux institutions : The State Paper Office (1702) and the Public Record Office of Ireland (1867).
Cette institution regroupe les archives du pays, que ce soit le registre national, les archives gouvernementales et les archives judiciaires.
Leur mission principale est de permettre au public de consulter les archives du pays.
Cette institution leur offre également la possibilité d’établir leur arbre généalogique grâce au registre national, la généalogie étant leur second objectif.
Il y a aussi la préservation, la restauration et la description des archives.

Dans le centre, il y a diverses sections comme :

  • le stockage et conservation
  • les services aux lecteurs
  • l’acquisition et la description
  • les projets spéciaux, tels que la numérisation des archives

Norme utilisée

La norme utilisée par l’établissement se trouve être l' »ISO 15489-1:2016″ (3). Elle servira à définir « les principes d’élaboration des méthodes de création, de capture et de gestion des documents d’activités » (4) (5).

Services documentaires : Belgique/Irlande, quelles différences?

Pour l’accroissement des archives dans notre pays, nous pourrions prendre pour exemle la KBR (Bibliothèque Royale de Belgique) comme exemple. Bien qu’elle soit une bibliothèque et non un service d’archives, elle a pour objectif de gérer et de conserver les différents patrimoines belges. La politique de collecte se déroule par des dons, par le dépôt légal (obligatoire sauf pour les publications électroniques) et par des acquisitions (achats).

En Belgique toujours, il existe une autre institution grandement comparable aux Archives Nationales d’Irlande : les archives de l’État. Elles se situent dans plusieurs villes belges, telles que Louvain-la-Neuve, Liège ou encore Tournai ; c’est cependant sur l’institution de Mons que se concentrera cette description.

Disposant des mêmes conditions de dépôts ainsi que d’un service de généalogie, les Archives de l’État, situées à Mons, possèdent des missions semblables à leur homologue irlandais : permettre la consultation des archives par le plus grand nombre, mais aussi offrir aux usagers la possibilité de retracer leurs origines.

Quelques notions de gestion pour compléter la notion d’acquisition

Dans le cycle de vie d’un document se distinguent trois étapes définies par le niveau d’utilisation de celui-ci. Les archives courantes seront utilisées de manière récurrente, les archives intermédiaires seront consultées de façon plus restreinte et les archives définitives seront envoyées aux services d’archives compétents, car elles ne seront utilisées que rarement.

Une gestion convenable des collections propose une identification complète et claire des pièces, dossiers et séries présentes au cœur de l’institution.
Il faut, dès lors, évaluer constamment les techniques de conservation utilisées, afin de proposer un service toujours plus fiable. Il est d’autant plus important de savoir, en temps voulu, restituer et communiquer les documents.
Le tableau de tri est également un outil essentiel en ce qui concerne les archives et leur conservation ; sans cela, il serait difficile de définir la fiabilité et la valeur d’un document, mais également de garder une trace de sa potentielle élimination. (6) (7)

Acquisition rime avec conservation!

Dans l’accroissement des collections, un autre point est important : la conservation des archives. C’est une étape primordiale, car notre mémoire en dépend. Il faut être attentif à chaque détail : le bâtiment, le type de rangement, le conditionnement, il faut également regarder les différents facteurs de détérioration et, pour finir, si cela s’avère nécessaire, d’éventuelles restaurations.

Voyons ces points plus en détail (8) :

  • Le bâtiment : il faut éviter toute zone à risques (susceptible d’inondation, d’éboulement…) et le séparer des autres services (ne pas mettre le local de conservation dans la même pièce que celle du travail).
  • Type de rangement :  il existe quatre types de rangement : continu, discontinu, éclaté et selon le format.
    • Le conditionnement : il est de bon aloi de ranger les archives papier dans des boîtes spécifiquement créées pour elles. Celles-ci protègent des nuisances extérieures (insectes, lumière…) et sont faciles à transporter. En fonction de certains documents plus anciens, l’acidité cause l’aliénation du papier, voire sa destruction.
  • Les facteurs de détérioration : ils peuvent se révéler internes ou externes : l’éclairage, la température, le feu, l’eau, la pollution, l’être humain, les rongeurs, les insectes, la ventilation, le nettoyage, la climatisation
  • La restauration : il s’agit de la remise en état d’un document en état de détérioration.

La conservation est importante pour notre histoire, il s’agit de sa protection. Il faut donc veiller à conserver nos documents avec soin et les traiter correctement dès leur arrivée aux archives. Certains documents, très anciens, sont plus fragiles ; il faut donc bien faire attention aux divers points expliqués ci-dessus.

Heureusement, avec le temps, le papier est de plus en plus résistant, et l’apparition des divers formats numériques permet de conserver de manière différente et permanente. La numérisation permet également de sauver des archives qui se détériorent, mais aussi de recevoir des archives lointaines, uniques, qu’un transport aurait détériorées.

L’avènement de la numérisation, l’avènement des archives permanentes?

En Belgique, reprenons l’exemple de la KBR, où nous nous intéresserons dès lors à leur pendant numérique : Belgica.
En Irlande, les archives numériques seront essentiellement gérées par la National Library of Ireland, en tout cas en ce qui concerne la numérisation des archives.

Belgica, c’est un accès aux ressources numériques de la Bibliothèque Royale de Belgique, mais également aux documents numérisés par elle ou par d’autres institutions. Cette base de données est non seulement gratuite, mais également accessible de façon permanente. Disposant d’un public majoritairement composé de chercheurs, il peut tout autant s’adresser à un tout autre groupe de personnes, amateurs, mais désireuses d’en apprendre plus sur un sujet tout en bénéficiant d’informations scientifiquement fiables. Néanmoins, si la consultation est gratuite, la résolution d’image ne permet pas l’impression en qualité d’édition.

The National Library of Ireland possède également une base de données en ligne regroupant toutes leurs ressources numériques et leurs documents numérisés. Leur programme de numérisation n’a commencé qu’en 2010, ce qui est, somme toute, assez récent.
Leur dernière innovation réside dans la création d’une archive du web irlandais. Car oui, selon l’institution (9) :

« Les informations publiées sur internet sont susceptibles d’être perdues ou modifiées au fil du temps »

En Belgique, c’est également la KBR qui se chargera d’archiver le Web, une fois que le projet de recherche en cours sur le sujet, permettra de réaliser concrètement cet archivage.

Mais revenons aux aspects techniques de la numérisation : quels sont-ils ? Tout d’abord, la numérisation n’est pas une tâche allouable à n’importe qui. Il faut une équipe spécialisée dans le maniement des archives ; les pièces patrimoniales, par exemple, peuvent être numérisées uniquement si leur reliure est capable de supporter une ouverture à 180 degrés, et doivent être maniées avec la plus grande attention et précision. Si la reliure n’est pas assez solide, la pièce est alors directement photographiée. Selon Belgica, les clichés et scans sont conservés sous plusieurs formats, selon leur utilité : une version brute, une version d’archivage, au format « TIFF » (Tagged Image File Format, un format permettant de stocker des images de taille plus importante, sans pour autant en perdre la qualité) (10) ainsi qu’une version de consultation, au format « JPEG » (Joint Photographic Experts Group, norme « définissant le format d’enregistrement et l’algorithme de décodage pour la représentation numérique compressée d’une image fixe ») (11).

La numérisation, tout comme l’acquisition vue précédemment, doit s’accompagner d’une politique de numérisation, qui peut se dérouler selon deux cas de figure : une numérisation interne à l’institution, qui se fait alors au cas par cas, ou, de la sous-traitance peut être effectuée par une firme spécialisée, qui quant à elle, est utile pour deux types de collections : les journaux et les enregistrements sonores. Selon les besoins, il sera fait appel à l’une ou à l’autre manière de procéder, et en toute logique, politique d’acquisition et de numérisation sont dès lors des étapes du traitement d’archives, et autant de points d’accès, de préservation et de valorisation des collections. (12) (13) (14)

Sources utilisées

(1) PIAF : PORTAIL INTERNATIONAL ARCHIVISTIQUE FRANCOPHONE. « Module 6 – section 2 : Collecte (ou accroissement) » [en ligne]. Mise à jour le 21/09/2009 [consulté le 8/03/2018]. Disponible sur le Web : <http://www.piaf-archives.org/sites/default/files/bulk_media/m06s2/co/06section2_web.html>

(2) NATIONAL ARCHIVES OF IRELAND. « History | National Archives of Ireland ». Consulté le 21 avril 2018. Disponible sur le Web : <http://www.nationalarchives.ie/about-us/history/>

(3) COMITE TECHNIQUE ICO/TC 46/SC 11, ARCHIVES/GESTION DES DOCUMENTS D’ACTIVITE. « ISO 15489-1:2016″[en ligne]. In Organisation internationale de normalisation (ISO) : quand le monde s’accorde. Publié en avril 2016 [consulté le 30 mars 2018]. Disponible sur le Web :
<https://www.iso.org/fr/standard/62542.html>

(4) ORGANISATION INTERNATIONALE DE NORMALISATION. « ISO 15489-1:2016 – Information et documentation — Gestion des documents d’activité — Partie 1 : Concepts et principes ». Publié en avril 2016 [consulté le 21 avril 2018]. Disponible sur le Web : <https://www.iso.org/fr/standard/62542.html>

(5) FINDLAY, Cassie. “Recordkeeping in the Digital Age : Introducing the revised ISO 15489” [en ligne]. In The National Archives of Ireland. New Standards for Archives and Records Management Symposium, 12 May 2017. Publié le 12 mai 2017 [consulté le 30 mars 2017]. Disponible sur le Web :
<http://www.nationalarchives.ie/wp-content/uploads/2017/05/ISO-15489.pdf>

(6) THIRION, Olivier. “Archivistique”. Notions et concepts. 2018, Chapitre 1. Disponible sur le Web:<http://elearning.iessid.be/pluginfile.php/11611/mod_folder/content/0/Archi.1.NotionsConcepts.1718.pptx.pdf?forcedownload=1>

(7) ARCALYS ARCHIVAGE. « Définition : gestion des archives »[en ligne]. Mise à jour en 2017 [consulté le 20 avril 2018]. Disponible sur le web:<http://www.arcalys.com/archivage/definition-gestion-des-archives/>

(8) NATIONAL LIBRARY OF IRELAND. “Digital”. In National library of Ireland. Modifié le 23 janvier 2017 [consulté le 15 avril 2018]. Disponible sur le web : <https://www.nli.ie/en/collections-digital.aspx>

(9) THIRION, Olivier. “Archivistique”. Conservation et préservation. 2018, Chapitre 5. Disponible sur le Web: <http://elearning.iessid.be/pluginfile.php/11611/mod_folder/content/0/Archi.5.ConservationPreservation.1718.pdf?forcedownload=1>

(10) COMMENT CA MARCHE? « TIFF – format TIF »  [en ligne]. In CommentCaMarche. Mise à jour en avril 2018 [consulté le 20 avril 2018]. Disponible sur le Web = <http://www.commentcamarche.com/contents/1205-tiff-format-tif>

(11) BIBLIOTHEQUE ROYALE DE BELGIQUE. “Présentation”. In Belgica : bibliothèque numérique de la Bibliothèque royale de Belgique. Publié en 2015 [consulté le 10 avril 2018]. Disponible sur le web : <http://belgica.kbr.be/fr/pres/pres_fr.html>

(12) HOUDAYER, Aurélia. “Du papier au numérique : quel changement pour les archives? L’édition d’un livre avec Latex” [en ligne]. In ENSSIB. Publié le 17 juin 2013, mis à jour le 11 février 2014 [consulté le 15 avril 2018]. Disponible sur le web : <http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/64108-du-papier-au-numerique-quels-changements-pour-les-archives-l-edition-d-un-livre-avec-latex.pdf>

(13) NATIONAL LIBRARY OF IRELAND. “About the catalogue”. In National Library of Ireland. Modifié le 15 avril 2018 [Consulté le 10 avril 2018]. Disponible sur le web :<http://catalogue.nli.ie/About/Home>

(14) GASIOROWSKI-DENIS, Elizabeth. “La gestion documentaire à l’ère numérique” [en ligne]. In Organisation internationale de normalisation (ISO) : quand le monde s’accorde. Publié le 26 avril 2016 [consulté le 30 mars 2018]. Disponible sur le web : <https://www.iso.org/fr/news/2016/04/Ref2072.html>

 

 

Pour aller plus loin…

A. CARTIER, François. « Le traitement des fonds d’archives : la problématique des documents informatiques »[en ligne]. 19 avril 2012 [consulté le 8 mars 2018]. Disponible sur le Web : <https://cmc.web.cern.ch/sites/cmc.web.cern.ch/files/articles/documents/FrancoisCartier.Letraitementdesfondsdarchives.pdf>

B. FINDLAY, Cassie. “Recordkeeping in the Digital Age : Introducing the revised ISO 15489” [en ligne]. In The National Archives of Ireland. New Standards for Archives and Records Management Symposium, 12 May 2017. Publié le 12 mai 2017 [consulté le 30 mars 2017]. Disponible sur le Web :
<http://www.nationalarchives.ie/wp-content/uploads/2017/05/ISO-15489.pdf>

C. IRLANDE. Government of Ireland. National Archives act 1986, regulations, 1988. Irish statute book, S.I. No. 385 of 1988. Disponible sur le web : <http://www.irishstatutebook.ie/eli/1988/si/385/made/en/print>

D. IRLANDE. Government of Ireland. National archives act 1986. Irish statute book, 11/1986 Disponible sur le web : <http://www.nationalarchives.ie/PDF/NAA1986.pdf>

E. REITZ, Joan M.. “ODLIS : Online dictionary for Library and Information Science” [en ligne]. In ABC-CLIO. Mis à jour en 2014 [consulté le 30 mars 2018]. Disponible sur le Web : <https://www.abc-clio.com/ODLIS/odlis_about.aspx>

F. SOCIÉTÉ HISTORIQUE DE LA CÔTE-NORD. « Politique d’acquisition : Centre agréé d’archives privées Société Historique de la Côte-Nord » [en ligne]. Mise à jour le 8 mars 2018 [consulté le 13 mars 2018]. Disponible sur le web : <http://www.shcote-nord.org/wp/?page_id=1084>

G. THE NATIONAL ARCHIVES OF IRELAND. “Strategic Plan 2015 – 2017” [en ligne]. In The National Archives of Ireland. Policies Strategic Plan. Publié en 2015 [consulté le 30 mars 2018]. Disponible sur le Web : <http://www.nationalarchives.ie/wp-content/uploads/2015/09/Strategic-Plan-updated.pdf>