Ruches, media Labs, rec rooms, emprunt d’équipement technique, siestes rooms, study garden ! Voici une liste non exhaustive de services proposés par les bibliothèques universitaires. Oui oui, vous avez bien lu ! Ces services sont proposés dans les bibliothèques d’université (BU), dont celle de la Technical Universty of Denmark (DTU), prétexte à cet article. Est-il encore nécessaire de dire que les bibliothèques opèrent de véritables mutations ? [1] Tels des papillons sortant de leur chrysalide, l’imagination fertile des bibliothèques permet de voir éclore une panoplie de nouveaux services ayant pour but de répondre aux attentes des usagers. Car là est précisément l’enjeu : « sortir du cadre » [2], sortir du modèle traditionnel de la bibliothèque poussiéreuse pour consolider ce rôle de passeur de savoirs mais en s’adaptant au monde changeant, en envisageant les métiers de l’information et de la documentation sous un angle différent.
Contexte sociétal
L’avènement du Web 2.0 [3] a considérablement modifié les sociétés au niveau social et culturel. Ce nouvel accès à l’information a bouleversé les habitudes des usagers et le secteur des sciences de l’information et de la documentation a dû s’y adapter. En effet, les bibliothèques ont vu baisser la fréquentation de leur public et des emprunts. Et dans le même temps, l’information n’a jamais autant été à la portée de tous (la recherche de l’information est accessible de chez soi, dans son canapé) et aussi prolifique (mais la surinformation paralyse la recherche de la bonne information). C’est ainsi que les bibliothèques ont dû se renouveler, repenser leur mode de fonctionnement, revoir leurs objectifs car dans ce monde en perpétuel mouvement, elles ne pouvaient rester seulement un lieu de « stockage de collections ». Elles ont dû innover.
Recette pour innover en bibliothèque universitaire
Partout on entend qu’il faut « innover pour se réinventer » [4]. L’innovation est la nouvelle doxa à laquelle tous les secteurs sont soumis et les bibliothèques n’y échappent pas. Une confusion couramment rencontrée est la réduction de l’innovation à l’inventivité ou la créativité soit cette idée de « faire du neuf » [5] alors que ce n’est qu’une forme d’innovation. Christel Di Pietro dans son mémoire [5] de 2015 parle de l’innovation comme :
« un changement de paradigme qui remet en question l’activité même et les missions de la bibliothèque » qui est une « démarche d’amélioration continue et de gestion de projet » et qui « s’exprime sous la forme de services orientés inclusion des publics » [5].
Par exemple, une salle de sieste n’est pas liée à une nouvelle technologie mais bien à un nouveau service répondant aux besoins des usagers de la bibliothèque dans le but d’améliorer leur bien-être. Les bibliothèques ont donc dû muter en se centrant sur les besoins des usagers, à l’image d’autres secteurs du travail « orienté client ». Une recette ? Amis bibliothécaires vous allez être déçus car, il n’y en a pas ! L’innovation vient des idées des différents professionnels et de leur capacité à les adapter au mieux à leur bibliothèque et à les transformer en projet, là est l’alchimie ! C’est sur la base d’une analyse des besoins, d’un recueil d’idées, du choix d’un service à développer et de faire de l’idée un projet à mettre en pratique qu’on pourra rendre le lieu attrayant, pratique, accessible, avec des services améliorés, voire renouvelés et adaptés aux usagers !
La médiation et la formation
Avec les bouleversements culturels et politiques, les bibliothèques universitaires ont dû, elles aussi, évoluer. Effectivement, de centres renfermant les savoirs, elles se transforment petits à petits en lieux d’apprentissage. Le but final serait de devenir, comme les bibliothèques publiques, des “troisièmes lieux” [6]. Ce principe se traduit dans les universités par des “maisons de l’étudiant”. Dans ce but, les BU veulent se rapprocher le plus possible de la pédagogie de l’université. A cette fin, la coopération avec les enseignants est un aspect que les BU tentent d’organiser afin d’aider au mieux l’apprentissage des étudiants. Elles organisent leurs services selon cette idée d’aide à l’apprentissage.
Ils se présentent principalement sous forme de formations visant à l’autonomie des étudiants dans la recherche documentaire, mais aussi par des conférences et via une cellule de soutien scolaire personnalisé. Ces services sont notamment mis en place à l’UMons [7], l’UNamur [8] et également via des MOOC à l’UCL [9]. En parallèle, les bibliothèques universitaires se concentre énormément sur le développement de leur catalogue. Effectivement, ce dernier vise à proposer des documents de qualité scientifique à tous mais surtout des documents en ligne et des bases de données. On peut citer les catalogues Cible+ de l’ULB [10], Libellule de l’UCL [11] ou encore le catalogue de l’université de Gand [12].
D’autres manières de répondre au but des BU ont été développées telles la mise en place de lieux adaptés à de nouvelles méthodes d’apprentissage, par exemple la classe d’apprentissage actif à l’UCL[13]. Ces lieux se présente principalement comme des aménagements de l’espace que propose la bibliothèque.
L’aménagement
Que cela soit de par une modification des espaces déjà existants ou par un complet remodelage, les aménagements des espaces en bibliothèques universitaires ont tout autant leur importance que les nouvelles technologies et les médiations et offrent, eux aussi, leur part de services innovants. Nous avons d’ailleurs pu voir au cours de visites dans le cadre de notre cours de travaux pratiques de premières années, lors de visites de bibliothèques à l’université libre de Bruxelles ou encore durant notre cours de bibliothéconomie, que l’aménagement est un point essentiel dans un bibliothèque.
Prenez l’exemple des différents bibliothèques [14] de l’université de Caroline du Nord aux États-Unis. Celles-ci proposent des espaces tout à fait hors du commun tels que des alcôves à idées qui sont des espaces de collaboration ou encore une “Fishbowl” qui est un espace permettant l’échange ouvert entre étudiants.
Et si les bibliothèques de demain étaient des bibliothèques sans livre ? C’est ce que proposent plusieurs bibliothèques universitaires aux États-Unis [15] et également la Ruche [16], un espace innovant à la BU de Poitiers. Il s’agit d’un espace entièrement dédié au travail collaboratif.
Dans le même esprit, les “learning rooms” [17] ou “carrefour d’apprentissage”, des bibliothèques universitaires proposant un choix de services plus larges, se font également une place dans cet océan de services. Le but [18] est d’offrir des horaires de services plus larges, des coins plus relax et conforts permettant de travailler dans plusieurs positions et d’élargir la capacité d’accueil des bibliothèques. Pourtant la question de savoir s’il s’agit réellement d’un service innovant ou d’une simple amélioration se pose. En effet certaines bibliothèques universitaires n’appliquent pas ce genre d’espace et s’en portent tout autant bien. Pourtant, les étudiants apprécient davantage ces espaces [19] plus confortables que la simple chaise devant le bureau. Seul le temps dira si les “learning rooms” répondront aux besoins des étudiants.
Des FabLab [20] commencent également à prendre de plus en plus d’importance dans les BU. Un FabLab est un espace [21] entièrement dédié aux nouvelles technologies et la fabrication de projets à l’aide de machines high-tech. Ces tout nouveaux espaces permettent la collaboration entre chercheurs et entre étudiants mais également l’ouverture à la culture des sciences qui est trop souvent mise de côté.
Liés à cela, les “salle des clics” [20], qui sont des salles permettant de découvrir de nouveaux outils, de nouvelles techniques numériques sont sans conteste un service innovant.
Mais les services innovants en aménagement ne reposent pas uniquement sur les nouvelles technologies ou sur la collaboration. Des “siestes rooms” [22] voient également le jour dans plusieurs bibliothèques universitaires pour permettre aux étudiants, qui dorment souvent mal et peu, de se reposer durant deux heures d’étude tout en restant à proximité des lieux de savoir [23].
Au final, que cela passe par des espaces permettant le partage ou d’autres permettant le repos, les innovations de l’espace ne cessent de surprendre par leur inventivité.
Le numérique
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) prennent une large place dans les BU et deviennent le prétexte à leur objectif de plus en plus affirmé de la réussite des étudiants [24].
En effet, selon le mémoire d’Anne Jeanson [25], « le numérique promet, d’un point de vue professionnel, un élargissement de l’offre documentaire sans précédent ».
En Belgique :
- L’université de Liège a développé des cours de réalité augmentée/virtuelle [26] dans un but d’apprentissage par la pratique.
- L’Université Libre de Bruxelles (ULB) notamment a amélioré son service de renseignements bibliographiques grâce aux supports numériques tels les services de questions/réponses (via chat) comme Eurekoi [27] ou encore l’université de Gand avec son propre système de chat [12].
- L’Université Catholique de Louvain (UCL) a mis en place des guides et tutoriels ainsi que des capsules vidéos [28] (réalisées par l’UQAM, qui sont en cours d’adaptation pour le contexte de l’UCL) d’aide à la recherche documentaire (infosphère) [29] mais aussi des vidéos sous forme d’une web série nommée Biblio-Jack [30] qui exliquent le fonctionnement de la bibliothèque.
- La bibliothèque universitaire de l’université de Mons (UMons) offre une bibliothèque numérique aussi bien pour les étudiants que les chercheurs à travers la plateforme Phénix [31] qui donne gratuitement accès au patrimoine documentaire de l’université de Mons [32].
Ailleurs dans le monde, on peut noter :
- les services TIC pour les personnes handicapées [33] développés par l’université de Makerere en Ouganda avec des logiciels pour déficients visuels (JAWS-Job Access with Sound) entre autres.
- l’utilisation de Netvibes [34], outil de veille qui permet de consulter des fils RSS, utilisé par exemple par la bibliothèque universitaire de Perpignan (France) pour consulter les actualités de la presse économique et juridique notamment.
- que beaucoup de bibliothèques universitaires valorisent leurs actualités, activités, services et leurs collections sur les réseaux sociaux comme Twitter [35] (BU de la Sorbonne à Paris en France) ou Facebook [36] (The University of Chicago library aux États-Unis).
- les services de renseignements bibliographiques grâce aux supports numériques comme les services de questions/réponses via chat sont relativement bien développés dans les bibliothèques universitaires: Ubib [37] à la bibliothèque universitaire de l’université de Poitiers (France) ou encore Ping Pong [38] à la bibliothèque Universitaire du Havre, Caen et Rouen (France).
- qu’ à la bibliothèque de l’université de Cambridge (États-Unis), des vidéos-guides [39] ont été réalisés également dans le but de maximiser le temps des étudiants pour qu’ils puissent trouver plus facilement l’information.
- des jeux sur téléphone mobile qui s’activent via le scan d’un QR Code [40] sur la page de la bibliothèque comme à la Pekin University Library (Chine). L’objectif de ces jeux est évidemment éducatif.
- des supports développés pour des supports mobiles comme BibEnPoche [41] pour que les utilisateurs puissent consulter le catalogue de leur bibliothèque notamment.
La Technical University of Denmark (DTU)
La DTU [42] est une université datant du 19ème siècle, connue internationalement pour ses formations en sciences et techniques, notamment en ingénierie, en nanosciences, en astronomie, etc. situé à Kongens Lyngby (municipalité de Copenhague). La bibliothèque de la DTU se décrit elle-même comme étant focalisée sur les utilisateurs et soutenant la recherche, l’éducation et la collaboration entre étudiants, professeurs et chercheurs. L’ambiance recherchée est en totale adéquation avec le concept de troisième lieu qui se veut être un espace agréable, chaleureux (fat boys) tout en restant un espace d’étude (zone silence, bureaux d’étude).
La bibliothèque de la DTU propose des services relatifs à la médiation et à la formation (réserver un bibliothécaire, une aide à la recherche documentaire, DTU Findit et DTU Orbit), à l’aménagement (bureau individuel, salle de détente), au numérique (Media Lab, réalité augmentée) et aux technologies intelligentes (Smart Library).
DTU Findit [43] et DTU Orbit [44] sont les bases de données de la bibliothèque. La première fournit de la littérature spécialisées aux étudiants et aux chercheurs tandis que la deuxième met à disposition les travaux des chercheurs de la DTU.
La Smart Library [45] est un laboratoire à ciel ouvert qui produit des statistiques via des appareils dernière génération. Ces données sont récupérées par les étudiants et les chercheurs pour réaliser des études. Ce n’est pas sans nous rappeler notre cours de statistiques et de méthodes d’enquêtes de première année qui nous a initié à l’importance des données dans de tels lieux.
Vers une logique participative
Des étudiants de l’université de Rennes 2 ont exprimé à leur bibliothèque [46] leur besoin d’avoir une salle de sieste, les étudiants de la bibliothèque Webster [47] de l’université Concordia ont été consultés pendant le processus de création de cette bibliothèque nouvelle génération… C’est ça l’innovation ! Elle peut (doit !) venir des usagers ! L’adéquation sera parfaite entre le besoin et le service rendu puisque c’est l’usager lui-même qui l’aura exprimé. N’est-ce pas alors de boîtes à idées, de processus d’évaluation, d’enquêtes dont devrait se doter nécessairement toutes les BU pour être certaines d’être le plus en adéquation possible avec les besoins de LEURS usagers ?
Comme le dirait Isaac Asimov [33], « How much is useful ? That is what will count ».
Car l’enjeu central est bien de servir les besoins de l’usager et non celui qu’on voudrait en tant que professionnel. Alors, proposez vos idées à votre bibliothèque pour qu’elle corresponde au mieux à vos attentes, car on n’est pas mieux servi que par soi-même !
BARRERE Emmylou, GUERRERO OCON Laura, LEIMBACK Célina
Bibliographie
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