Visite de l’Idea Store Whitechapel

Le groupe devant l’Idea store de Whitechapel

Ce vendredi 27 mai 2016, nous avons eu l’occasion de visiter le Idea Store Whitechapel. Tout d’abord, nous avons assisté à une brève présentation des étudiants résumant brièvement les thèmes de la médiation et de la place de la bibliothèque publique en Grande-Bretagne. Par la suite nous avons assisté à une conférence par M. Sergio Dogliani, vice-président au siège social de l’institution. La visite se termina par le tour de l’immeuble. Voici un compte-rendu de cette conférence.

L’histoire

Rez-de-chaussé. Entrées. Idea Stores Whitechapel, Londres

L’histoire de l’institution débuta en 1999 à Tower Hamlet, l’une des 32 municipalités de Londres. C’est de la municipalité dont dépendent les Idea Stores. En 2002 ouvrait le premier établissement. En 2004 ouvrait le deuxième. En 2005, le troisième, l’Idea Store Whitechapel, et le dernier en 2013. Trois projets sont en cours, dont l’un porte sur une bibliothèque spécialisée dans les domaines de la mécanique automobile, de la céramique, de la poterie et de la photographie.

L’Idea Store Whitechapel, tout comme les autres, est implanté dans un quartier multiculturel. Plus de la moitié de la population est d’origine non européenne. La majorité de la population de ce quartier vit en dessous du niveau de la pauvreté. Cela crée un effet de densité à laquelle doit s’adapter l’Idea Store. Le quartier est reconnu comme ayant un haut taux de chômage. Cependant, cette population à un esprit créatif et vibrant d’originalité.

D’un autre côté, c’est également dans ce quartier que l’on trouve toutes les banques les plus importantes et les employés les mieux lotis. Nous sommes donc dans un quartier fort contrasté où cohabitent des populations différentes socialement parlant, extrêmes les unes des autres.

L’enquête de besoin

4e étage. Galerie. Idea Stores Whitechapel, Londres

Il y a vingt ans, les immeubles étaient en piteux états, et les bibliothèques n’étaient ouvertes que deux jours par semaine. Avant la création de l’Idea Store, 86 % des habitants du quartier ne se rendaient jamais à la bibliothèque. En comparaison, 50 % de la population en Grande-Bretagne en général s’y rendait. Une première étape dans le processus de modernisation fut de se demander le pourquoi de ces chiffres.

L’année 1999 fut le point de départ de l’enquête qui fut menée afin de percer les besoins des utilisateurs. Cette grande enquête servit de fondement à la construction du projet. Une entreprise fut chargée de mener l’enquête. Des interviews dans la rue ont été menées. Des visites chez le particulier ont été tenues (plus de 600). Certaines ont duré une heure entière. Parmi les personnes interrogées, certaines ont été payées pour accorder du temps au projet. Cette méthode fut préférée à un sondage qui semblait impersonnel et ne permettrait pas d’impliquer les gens, de bien comprendre leurs besoins. Cette enquête fut une expérience unique en Grande-Bretagne.

Le but de l’enquête fut d’éclaircir les questions suivantes : qu’attendez-vous d’une bibliothèque à notre époque ? Les gens ont-ils encore besoin de bibliothèques? Ne veulent-ils pas y passer leur temps ? Comment améliorer le service ?

Cette enquête a conduit à plusieurs résultats très significatifs : 98 % des interviewés ont répondu que la bibliothèque était importante. Les livres y tenaient une place importante, l’Internet aussi, étant donné que plus de deux tiers de la population ne possédait pas d’accès à domicile. Des heures d’ouverture plus étendues ont été réclamées par les résidents, celles-ci pouvant coïncider avec les ouvertures des magasins leur permettant par habitudes, de passer du magasin à la bibliothèque. Pourtant, les bibliothèques de l’époque ouvraient déjà quelque 40 heures par semaine. D’autre part, le problème n’était pas tant l’absence de bibliothèque, qui était nombreuse à l’époque, mais leur localisation et leur dispersion. Une position au cœur d’un lieu animé, proche d’un supermarché ou d’un bureau de poste leur permettrait de passer du magasin à la bibliothèque.

4e étage. Galerie. Idea Stores Whitechapel, Londres

Une idée qui a préludé à la construction du projet des Idea Stores fût le concept de bibliothèque troisième lieu. Un troisième lieu est un espace d’échanges sociaux. Ils sont, à l’origine, des lieux tels que le café ou les clubs. Mais pour le cas de l’institution, l’accès y est gratuit. Les personnes, aux origines, âgées et aux rôles divers, collaborent, travaillent ensemble, se joignent aux cours. L’Idea Store est un lieu neutre, toute personne étant bienvenue. Celui-ci est un des rares lieux où la cohésion sociale fait son lit.

La marque

Le projet de bibliothèque a été renommé. Il est désormais appelé : Idea Store, il s’agit en quelque sorte d’une marque, un « re-branding ».

Cette image est construite autour de la notion d’apprentissage toute la vie. Elle véhicule avec elle 4 pôles :

  • Les produits et les services offerts : L’établissement est ouvert 7 jours sur 7 aux heures d’ouverture des magasins. Le budget consacré à l’acquisition de nouveaux ouvrages est de 360.000 livres par an, Un budget supérieur à celui de nombreuses bibliothèques mêmes s’il a récemment subi des coupes. Les activités incluent des cours d’Internet, des cours d’alphabétisation, des cours de danse, de cuisine, de théâtre, des animations pour les enfants, etc. 800 cours sont donnés par an.
  • La communication : Elle a toute son importance quand bien même le projet de l’Idea Store et les nombreux projets qu’il draine ont cours. Dans ce but, celui-ci avait publié un magazine qui a paru 2 années précédant l’existence du premier Idea Store. Tiré à 2000 exemplaires, il a été distribué principalement dans les Idea Stores dans les cabinets des médecins, dans les hôpitaux, etc. durant 5 ans. Aujourd’hui le magazine est diffusé sur le site internet de l’établissement.
  • Children’s Library. Idea Store Whitechapel

    L’environnement et la construction : l’équipe a fait appel à un groupe d’architecte dans l’optique de créer un bâtiment adapté à leurs besoins. Celui-ci est bien localisé au centre de la vie urbaine. En effet, un marché se tient à proximité 6 jours sur 7.  Le bâtiment est pensé de façon ergonomique : pratique, il est coloré et laisse rentrer la lumière naturelle. Certains livres sont mis en avant sur une étagère en bois à la manière d’une librairie, couverture faisant face au public. Un environnement dont ne bénéficiaient pas les bibliothèques traditionnelles. L’immeuble a été pensé pour permettre une répartition de nos évolutions de vie : le rez-de-chaussée regroupe les livres qui sont davantage dédiés aux loisirs. Nous y retrouvons donc la section pour enfants, mais également tous les livres de fiction. Le premier et deuxième étage regroupe les livres dédiés aux études et à l’apprentissage.

    Rez-de-chaussé. Architecture intérieure. Idea Stores Whitechapel
  • Le civisme : L’interdiction de manger et de faire du bruit a été levée au sein du Idea Store. Il n’y a pas de règle. La philosophie de l’Idea store est de faire confiance à la clientèle. Celle-ci respecte les lieux spontanément. L’ambiance et le lieu lui indiquent comment se comporter sans avoir à le dire. Les accidents, et dégradations sont rares. Les employés sont choisis non seulement pour leurs expériences et aptitudes, mais surtout pour leur attitude positive pour pouvoir faciliter le service à la population. Donc pour garder l’attitude positive des employés, ceux-ci travaillent sur un système de roulement. Chaque heure de travail, ceux-ci changent de travail pour pouvoir garder le rythme et ne pas avoir une baisse d’énergie. Cela leur permet d’être compétents dans plusieurs tâches. Le but n’est pas la spécialisation, mais la multifonctionnalité des employés. Ainsi, le client ne doit pas passer d’une personne à l’autre pour obtenir le service qu’il recherche. La confiance et le sentiment d’être unique chez le client se développent.Différents projets sont apparus après la mise en place de l’Idea Store.En 2010, suite au remaniement de la stratégie des Idea Stores de 2000, différentes enquêtes ont été menées afin de percer les besoins des utilisateurs.

Alors que les enquêtes ont confirmé que ceux-ci étaient en bonne voie de succès, trois demandes majeures ont été mises en exergue : premièrement, les utilisateurs ont montré leur intérêt concernant des aides à la recherche d’emplois, 11% des utilisateurs étant en effet sans emploi. Ces aides consistent à donner des clés pour obtenir un emploi, fournir des aides à la formation, enseigner des compétences, organiser des coopérations avec des organisations.Deuxièmement, des demandes ont concerné l’accès à la santé. Les livres bien entendu, permettent de s’informer sur l’alimentation, le fitness. Ils permettent d’aider la santé mentale.Troisièmement, le One Stop Shop, est un service public qui fournit par exemple des tickets de stationnement, ou qui aide à calculer les impôts.Seul bémol, l’accès aux ressources électroniques, pour lesquels du travail supplémentaire devrait être consacré.

Résultat ? La fréquentation a fortement augmenté, tout comme les prêts de livres.

En résumé ?

4e étage. Café. Idea Stores Whitechapel

L’Idea Store est bien une bibliothèque publique, le financement est public, mais qui inclut beaucoup plus de services et qui est centré sur les besoins de l’utilisateur.Ce qui nous parait tout à fait pertinent dans ce projet des Idea Stores, c’est le concret dans lequel il baigne. Tout part d’une réalité de terrain. Un projet devait être mis en place autour du livre. Tout est prévu pour répondre aux besoins des utilisateurs. L’Idea Store est non seulement une bibliothèque, mais aussi un lieu d’apprentissage tout au long de la vie. La lecture et le livre y tiennent une place centrale.