Visite de la ludothèque du centre social « Mosaïque »

Pour cette première visite à Lille, nous nous sommes arrêtés quelques heures à la ludothèque du Centre Social Mosaïque, dans le quartier de Fives. Tout en gardant notre thématique à portée de questions, nous avons eu le plaisir de rencontrer Jean-Sébastien Chauffray, éducateur spécialisé en petite enfance, qui gère la ludothèque depuis sa création…

 

L’institution et son fonctionnement

La ludothèque fait partie intégrante du Centre Social Mosaïque de Fives, une association loi 1901 autogérée, dont le conseil d’administration est composée d’habitants du quartier. Il s’est implémenté dans le quartier pour répondre à une problématique sociale : la grande précarité du quartier, dont les habitants sont pour la plupart des familles nombreuses, souvent monoparentales, nécessitait un lieu rassemblant tous les âges et tous les profils en proposant des actions à caractère socio-culturel, des accueils après-classe, des ateliers pour les jeunes, les tout-petits et les adultes. Aujourd’hui, le centre propose, entres autres, un périscolaire, une école des devoirs, un centre de loisirs, un accueil des primo-arrivants, des ateliers de poterie, des cours de sport, etc. La ludothèque a été créée en 2006, suite à un appel d’offre de la CAF (caisse d’allocations familiales) de développement de projet, reprenant l’idée du jeu en tant que médiateur. Le centre social, qui venait tout juste de déménager dans le quartier Fives et ayant de l’espace disponible a pu répondre à cet appel, fort de son implémentation auprès d’un public en demande.

Si la ludothèque a vocation à – comme le centre dans sa globalité – accueillir des publics de tout âge, c’est surtout la petite enfance qui est la plus friande du lieu. Au programme : éveil sensori-moteur, jeux symboliques, construction. La ludothèque dispose de nombreux outils pour faire interagir les enfants entre eux, mais aussi avec leurs parents ;  elle est également devenue un espace où les parents peuvent se rencontrer, échanger, se conseiller. Il est intéressant ici de constater à quel point la ludothèque fait partie intégrante, tant en terme d’espace que de philosophie, du centre social : la politique d’acquisition de jeux est intrinsèquement liée à l’esprit du centre. L’idée n’est pas d’être à la mode mais de fournir des jeux adaptés aux publics, propices au partage. D’ailleurs, nous nous demandions ce qu’il en était de l’intégration du numérique dans la ludothèque, des jeux vidéo et autres applications sur tablettes. Le centre social disposant déjà d’un espace public numérique, géré en partie par Mr Chauffray, il n’a donc pas été intégré dans la ludothèque elle-même. Cependant, le ludothécaire y organise des initiations aux outils et hobbies numériques.

Par ailleurs, le prêt de jeux se développe petit à petit, tant pour les particuliers adhérents du centre, que pour les classes : le ludothécaire organise des ateliers directement en classe, conseille les assistantes maternelles, initie au jeu adultes et enfants. En somme, il partage volontier son esprit et sa culture ludique.

 

Partenariats et communication

La fréquentation de la ludothèque s’appuie énormément sur la communication informelle : bouche à oreilles, partenariats avec d’autres institutions, accueils des assistantes maternelles et de leurs bambins de crèche, etc. Outre les adhérents du centre, nombreux sont les usagers de Lille et Navarre. En effet, la ludothèque participe à de nombreux évènements culturels hors les murs, tant au niveau de la ville qu’au niveau sociétal : semaine de la petite enfance, semaine du jeu, carnaval, défilé aux lampions, fête des voisins, mais aussi, le bibliobus de Lille. Tous les 15 jours, les enfants qui le souhaitent peuvent aller avec le ludothécaire y emprunter des livres, à titre gratuit ; c’est lui qui se charge de “l’administratif”, dans la mesure où il se porte garant pour eux. Le but est en partie de responsabiliser les enfants, en s’inscrivant dans la démarche citoyenne du centre social.

Les usagers de la ludothèque sont donc des acteurs du centre et non des “consommateurs” de jeu, et c’est en cela que cette ludothèque se distingue des autres, plus concentrées sur le “moment-jeu”, l’échange instantané que permet une partie. De fait, la ludothèque de Mosaïque n’a pas de budget, puise dans celui qui reste du centre social lorsque toutes les dépenses et recettes de l’année ont été calculées.

La ludothèque, comme le centre social, a toujours à coeur la satisfaction des usagers. Plus qualitativement que quantitativement, chaque “séance” a son débriefing pour savoir ce qui a le plu et surtout, quelles sont les attentes des uns et des autres. Même pour les tout-petits ! Régulièrement, les éducateurs du centre donnent des questionnaires aux enfants allant du goût des repas à la cantine à la l’amusement avec les camarades, où les réponses sont signifiées avec des émoticônes heureux, tristes ou riants.

 

Jeu, prétexte à la rencontre ?

Le fonds de jeu est majoritairement composé de jeux de coopération. S’il y a quelques jeux de compétition, les règles sont systématiquement détournées, à l’image du jeu de l’oie, pour lequel le ludothécaire n’offre qu’un seul pion, les joueurs devant avancer ensemble jusqu’à l’arrivée, lançant chacun à leur tour les dés. Les éducateurs le disent : la compétition fait partie de la vie des enfants dès l’âge de 4 ans, elle est souvent un moteur pour certains. Ainsi les jeux de compétition pris en tant que tel ne sont jamais joués à titre individuel mais en équipe, favorisant la coopération entre les membres.

La ludothèque tend à favoriser la rencontre entre les publics. Grâce aux partenariats avec plusieurs structures différentes de la ville de Lille, les évènements rassemblent souvent des gens qui ne se seraient jamais croisés sans elle. De plus, le ludothécaire organise des journées jeux et divise les participants en petits groupes qui tournent selon les activités pour varier les interactions. Ainsi, il pousse à la mixité des différentes groupes, mettant l’accent sur la rencontre  avec l’autre, la découverte de l’autre, avec toujours cette ligne directrice : communiquer pour s’enrichir. Ainsi, le jeu devient un prétexte pour se rencontrer. Pour les enfants, il aussi un moyen de participer au développement affectif et social.

 

 

Le jeu comme vecteur de lien social ? Assurément !

C’est au moins 150 enfants qui fréquentent la ludothèque chaque semaine, accompagnés de leurs parents ou de leurs assistantes maternelles. Ainsi, la ludothèque est une part importante du centre social en ce que les adultes comme les enfants, se construisent ensemble, autour d’un projet commun : le quartier de Fives et l’interaction entre ses différents acteurs. La ludothèque n’est en fait, qu’un outil multimédia servant à faire émerger des rencontres, non seulement à l’intérieur du quartier, mais pour toute personne souhaitant intervenir dans le projet du centre social.

Cette visite nous a permis d’affiner notre vision de la ludothèque comme troisième lieu et confirme l’étendue des possibles en tant que futurs professionnels de l’info-doc. Elle nous a donné envie de poursuivre à notre échelle les objectifs que s’est fixé le centre social, à savoir favoriser le maillage du tissu social et, bien sûr, l’accès à la culture pour tous.