Muséothèque : quand les deux mondes fusionnent

Chester Beatty Library

De tout temps, les sociétés ont eu besoin d’endroits spécifiques permettant d’expliquer, de conserver, de stocker et d’archiver leur histoire. Aujourd’hui, les bibliothèques en sont les principales représentantes et la sauvegarde du patrimoine est une de leurs missions primordiales. Cependant pour arriver à un tel résultat, les bibliothèques ne peuvent pas agir seules. Elles doivent collaborer avec d’autres institutions et créer des partenariats. Les acteurs les plus engagés dans cette démarche sont les musées. Grâce à cette collaboration, chaque institution apporte son savoir-faire pour contribuer à la conservation du patrimoine et la valorisation des collections. Concentrons nous à présent au cœur du sujet et voyons la méthodologie des institutions partenaires au niveau interne. Dans le cadre d’une étude de cas à l’étranger, nous voyagerons jusqu’en Irlande pour savoir comment les institutions bibliothéconomiques fonctionnent de leur côté…

Concrètement, que signifient les notions de valorisation et de conservation des collections?
Afin de valoriser les collections, les musées mettent en place différentes stratégies afin de satisfaire au mieux les besoins du public. En collaborant pour conserver les collections patrimoniales et les valoriser lorsque l’occasion s’y prête, les bibliothèques et les musées partagent les mêmes objectifs. Cependant même si vu de l’extérieur, l’agencement semble simple et abouti, un travail méticuleux et participatif s’impose. Mais concrètement quels sont les partenariats existants entre musées et bibliothèques? Quels sont les services offerts? Comment œuvrent ces acteurs, les professionnels de l’information? Comment conserve-t-on ? Comment sécurise-t-on des collections de valeur? C’est à de telles questions que nous tenterons de répondre…

 

DÉFINITIONS DES CONCEPTS

LA VALORISATION

Le terme valorisation peut être défini comme étant l’exploitation d’un document ou d’une ressource dans le but d’augmenter sa valeur. De plus, d’après Françoise Hiraux[1], la valorisation peut également être définie comme étant la transmission et la circulation des informations et des significations. La valorisation est un processus humain qui permet par différents moyens de mettre en valeur des objets, des documents, etc.

LA CONSERVATION

L’École Nationale Supérieure des Sciences de l’Information et des Bibliothèques propose une définition très complète de ce qu’est la conservation des documents[2] : c’est la “fonction bibliothéconomique qui vise à prévenir les dégradations et prolonger la durée de vie des documents”.

LES PARTENARIATS

Dominique Arot définit le partenariat comme étant “un éventail d’actions plus large que la seule coopération […] d’un ou plusieurs partenaires en vue d’un objectif commun, il traduit également l’attitude et la méthode qui président à ce type d’action.”[3]

VALORISONS….

A l’heure actuelle, le contact entre les archives et le public reste une dimension importante lorsque l’on parle de la valorisation des collections même si les nouvelles technologies sont de plus en plus présentes.

Différentes actions peuvent être mises en place dans les services d’archives comme des journées portes ouvertes, des expositions, des conférences, des cours et ateliers, des lectures d’archives, etc. dans le but d’attirer et toucher différents publics. En effet, celui-ci peut être un public scolaire, adulte ou encore un public spécifique comme des prisonniers, des jeunes en difficultés, etc… L’objectif de la valorisation et les moyens mis en œuvre permettent de donner une autre image des archives.

La valorisation des archives vise également à faire connaître les archives à un public plus traditionnel que les chercheurs ou les érudits. La diffusion, la mise en valeur ainsi que la transmission de l’information restent les maîtres mots de la valorisation.
Afin de mettre en avant les objets et les documents, les musées peuvent mettre en place différentes actions telles que :

  • Les expositions

Une des méthodes qui peuvent être appliquées afin de valoriser au mieux les collections sont les expositions. Celles-ci peuvent être temporaires ou permanentes. Cependant mettre une exposition en place doit être une démarche réfléchie. En effet, la mise en scène doit être appropriée, cohérente et accessible.[4]
Les expositions permettent au public de découvrir les documents patrimoniaux que possèdent les bibliothèques mais également leur fonds documentaire avec par exemple une exposition sur des personnages locaux,…
L’objectif des expositions est d’établir un lien entre la lecture publique et les collections patrimoniales mais aussi d’élargir la présentation de documents qu’il serait en temps normal impossible de voir. Il y a là une volonté de partager le patrimoine avec le public, les visiteurs.

  • Les animations

La valorisation des collections peut également se faire à travers des animations. En effet, des ateliers d’écriture, de lecture, des rendez-vous thématiques ou encore des spectacles, des ateliers pédagogiques, des jeux de rôle peuvent être mis en place afin de faire connaître au public de façon ludique les documents, les collections.
L’objectif premier des animations est bien de dynamiser le lieu culturel, de susciter la curiosité tout en faisant découvrir les collections ainsi que les aspects parfois méconnus de la production littéraire ou musicale. C’est pourquoi, afin de rendre une visite au musée plus attractive, des espaces récréatifs réservés aux enfants peuvent également être créés.

  • Internet et la numérisation

Suite à l’émergence d’internet, les méthodes d’archivage et les conditions de conservation commencent à être modifiées. Le but de la valorisation par internet est de permettre au public d’accéder plus rapidement aux différents documents ainsi qu’à l’histoire de leur communauté. Une autre manière de valoriser les collections est de la digitaliser. Cela permet d’utiliser les technologies actuelles à des fins éducatives et conservatives. En effet, grâce à leur conservation de par leur numérisation et stockage dans des fichiers électroniques, les représentations numériques d’objets ou de documents importants peuvent être affichées ou rendues visibles grâce à divers canaux. Cela permet de découvrir des objets peut-être trop précieux pour être exposés au grand public.
Cependant, même si cette méthode de valorisation et de conservation paraît simple, il faut être rigoureux et suivre des instructions précises lors de la numérisation d’objets 3D.[5]
L’objectif principal de la numérisation dans le cadre la de valorisation est de remettre le document dans son contexte d’origine et d’utilisation.

Valoriser oui, mais quoi?

Après avoir découvert différentes méthodes de valorisation, il est à présent important de savoir ce que l’on valorise. Dans les musées, le patrimoine est essentiellement mis en valeur mais des œuvres d’art, des peintures, des photographies ou encore des ouvrages peuvent faire l’objet d’une valorisation via des expositions. Dans les bibliothèques, la valorisation peut se faire autour d’un thème d’actualité, artistique ou culturel tout en mettant en avant les fonds documentaires via des animations ou autres initiatives.

CONSERVONS…

Afin de travailler de manière rentable et efficace, les professionnels de l’information ont besoin de stocker les documents. La conservation est donc indispensable dans les bibliothèques où les collections ont une valeur historique et humaine.

Complétons la définition de la conservation : c’est “une approche technique dégage deux types de conservation : la conservation préventive et la conservation curative.”[6] Les collections peuvent donc être conservées et traitées de différentes façons. La première est la conservation préventive qui consiste en différentes actions qui peuvent être en lien direct avec le document (la numérisation ou le travail sur les reliures) ou liées à l’institution (l’éducation permanente du personnel et des visiteurs).

La conservation curative consiste en différentes actions qui se font sur le document même. L’ENSSIB en mentionne deux sortes : “la réparation physique des documents” et “les traitements semi-industriels”.
Dans les milieux professionnels il existe également « la conservation partagée” qui consiste en un partage des documents qui doivent être conservés entre plusieurs institutions.

Afin que les collections soient conservées dans les meilleures conditions, différents aspects doivent être pris en compte[7]. En effet, les conditions environnementales ainsi que les modes d’entreposage peuvent influencer la conservation de ces documents. Différentes actions comme vérifier la température, l’humidité, la lumière, etc peuvent être menées afin de limiter la dégradation.

Ayant une valeur monétaire et culturelle importante, les collections et fonds patrimoniaux doivent être conservés de manière optimale contre le vol. Différentes précautions doivent être prises comme la vérification du plan d’urgence mais aussi l’instauration de portiques, de bornes anti-vols, la protection sous une vitre et la mise sous clé permettent la sécurité des collections.

FUSIONNONS….

En général, les partenariats permettent un engagement volontaire de la part de deux institutions avec des spécificités différentes qui décident de les mettre à profit l’une vis à vis de l’autre pour créer des projets à plus grande échelle, n’étant possible que par leur fusion. C’est d’ailleurs ce qui ressort de la citation concernant les partenariats de l’université de Roskilde au Danemark (Aarhus). Selon les Services et bibliothèques des citoyens d’Aarhus “les partenaires créent quelque chose qu’ils ne créeraient pas par eux-mêmes et donc le partenariat devient une situation gagnant-gagnant”.[8]

Ce contexte d’égalité permet aux deux institutions partenaires de profiter équitablement des actions découlant de cette fusion et entraîne un respect réciproque. Cette association résulte la plupart du temps d’une obligation légale[9] prônant les avantages de leur collaboration et le programme des actions et mesures à mettre en place.
Qui dit partenaires ne dit pas toujours permanence: parfois certaines institutions ne collaborent que pendant une courte période (le temps d’une exposition, d’un article, …)
La stratégie quant à elle se pense sur le long terme. Elle constitue un engagement sur des décisions importantes pour l’entreprise, qui ne sont pas toujours réversibles.”[10]

Les partenariats sont donc profitables pour les deux institutions qui se lancent dans un tel projet. En effet, cette coopération renforce leur ouverture[11] et la diversification de leur publics. Rappelons que l’usager est au centre des décisions des deux institutions[12]. Toutes les missions, les projets et les services sont donc pensés en fonction du public. De plus, les musées comme les bibliothèques ont un rôle instructif, culturel et de conservation, ce qui fait de ces deux institutions des “partenaires idéaux”. En réalité créer un partenariat est “un moyen d’étendre et de multiplier les atouts mutuels tels que les budgets, l’espace numérique et physique, les connaissances professionnelles et les idées. Un partenariat permet de mener à bien un projet plus concrètement, de façon plus aboutie et avec une plus grande ampleur”[13]. Les différences et particularités propres à ces institutions ne sont pas un problème. Au contraire, ces divergences apportent une plus value pour la mise à bien de ce projet et l’originalité de leur fusion.

Afin d’éclaircir ce qui a été dit précédemment, prenons l’exemple de la bibliothèque Chester Beatty[14], fondée en 1950 à Dublin. L’objectif de cette bibliothèque est de conserver les collections de l’artiste de l’industrie minière Sir Alfred Chester Beatty. Il est important de savoir que la Chester Beatty possède également un service de conservation spécifique à la conservation du livre et du papier[15]. C’est pourquoi, même dans ce pays la conservation et la préservation des collections restent un des enjeux principaux. Des expositions permanentes et temporaires sont également mises en place afin de mettre en valeur des manuscrits, des peintures ainsi que des livres du monde antique, égyptien et européen. La Chester Beatty met aussi en place différentes animations, conférences, projets éducatifs[16] afin de valoriser au mieux ses collections.

A titre de conclusion, la valorisation et la conservation restent la préoccupation principale des bibliothèques et des musées. En effet, ces étapes permettent de partager différentes informations et de mettre en commun des qualités et compétences variées. La mise en place d’un partenariat entre deux institutions est un programme de large envergure qui ne se réalise pas en un claquement de doigts.

Les institutions peuvent très vite se mettre d’accord mais la réalisation prend du temps et se base sur de nombreux facteurs. Les fondations d’une telle structure doivent être solides pour mener à bien cette construction. La communication doit être le maître mot. Aujourd’hui, la plupart des musées et des bibliothèques ont le désir de collaborer pour valoriser leurs collections. Mais ont-elles le budget nécessaire? Nomme-t-on des professionnels responsables pour la valorisation et la conservation des collections? Et enfin au niveau des bénéfices, quelles sont les réussites d’une plus grande ouverture collaborative pour les usagers ? Finalement, quelle est utilité d’une bibliothèque dans un musée et qui en sont les bénéficiaires?

BIBLIOGRAPHIE

[1] HIRAUX, Françoise et MIRGUET, Françoise. La valorisation des archives : une mission, des motivations, des modalités, des collaborations. Enjeux et pratiques actuelles. Louvain-La-Neuve : Harmattan-Academia, 2012. 190 p. (Publications des archives de l’Université Catholique de Louvain). ISBN 978-2-80610-059-7

[2] École Nationale Supérieure des Sciences de l’Information et des Bibliothèques (ENSSIB). Conservation des documents [en ligne]. Mise à jour le 23 avril 2014 [consulté le 30 mars 2018]. Disponible sur le Web : <http://urlz.fr/6TbY>

[3] Arot, D. “Les partenariats des bibliothèques”. Villeurbanne : Presses de l’enssib, 2002. p. 15. Disponible sur le Web : <http://urlz.fr/6TbR>

[4] GAUTHIER, Catherine. « Comment valoriser les collections ? » [en ligne]. In CNFPT. Mise à jour en décembre 2015 [consulté le 06 avril 2018]. Disponible sur le Web : <http://urlz.fr/6TbO>

[5] ANCTIL, Marie-Chantal; LEGENDRE, Michel; Müller, Tristan. « Recueil de règles de numérisation » [en ligne]. Québec : Bibliothèque et archives nationales du Québec, 2014 [consulté le 06 avril 2018]. Disponible sur le Web : <http://urlz.fr/6TbV>

[6] École Nationale Supérieure des Sciences de l’Information et des Bibliothèques (ENSSIB). Conservation des documents [en ligne]. Mise à jour le 23 avril 2014 [consulté le 30 mars 2018]. Disponible sur le Web : <http://urlz.fr/6TbY>

[7]  BRANDT, Astrid-Christiane et FOUCAUD, Jean-François. “Environnement et conservation des collections de bibliothèques” [en ligne]. In Bibliothèque Nationale de France (BNF). Mise à jour le 21 mai 2014 [consulté le 11 avril 2018]. Disponible sur le Web : <http://urlz.fr/6Tcd>

[8] [Traduction] : « a formalized collaboration relation that is built on equality and respect. The partners create something which they would not create by themselves and thus the partnership becomes a win -win situation ». Citizens’ Services and Libraries, Aarhus. (2012). Build Partnerships: Tools for strategical library development. Aarhus : Roskilde University.

[9] AROT, Dominique. “Les partenariats des bibliothèques “ [en ligne]. France : Presses de l’enssib, 2002 [consulté le 10 avril 2018]. Disponible sur le Web : < http://urlz.fr/6TbR>

[10] HENRY, Lucie. “Les partenariats des bibliothèques publiques en France et au Royaume-Uni” [en ligne] . Paris : Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 2009-2010[consulté le 11 avril 2018]. Disponible sur le Web : <http://urlz.fr/6Tcx>

[11] BOWERS, Bridget. “Le partenariat entre bibliothèque et musée : un dispositif d’ouverture”. France : Université de Lyon, 2017 [consulté le 10 avril 2018]. p.2. Disponible sur le Web : <http://urlz.fr/6TcC>

[12]  BOWERS, Bridget. “Le partenariat entre bibliothèque et musée : un dispositif d’ouverture”. France : Université de Lyon, 2017 [consulté le 10 avril 2018]. Introduction. Disponible sur le Web : <http://urlz.fr/6TcC>

[13] BOWERS, Bridget. “Le partenariat entre bibliothèque et musée : un dispositif d’ouverture”. France : Université de Lyon, 2017 [consulté le 10 avril 2018]. p.12. Disponible sur le Web : <http://urlz.fr/6TcC>

[14] Chester Beatty Library. Chester Beatty Library [en ligne]. Mise à jour en 2018 [consulté le 11 avril 2018]. Disponible sur le Web :  <http://www.cbl.ie/>

[15] Chester Beatty Library. “Preservation & Conservation” [en ligne]. In Leabharlann Chester Beatty Library. [Consulté le 11 avril 2018]. Disponible sur le Web : <http://urlz.fr/6TcI>

[16] Chester Beatty Library. “ What’s on this January – April 2018” [en ligne]. In Chester Beatty Education. Mise à jour le 15 janvier 2018 [consulté le 11 avril 2018]. Disponible sur le Web : <http://urlz.fr/6TcQ>