Au vu des évolutions technologiques du numérique et des pratiques qui sont liées, nombre de bibliothèques nationales de par le monde ont mis en place une bibliothèque digitale. Dès lors se posent à elles des questions importantes en termes de sélection, de gestion de données, de fiscalité…
Qu’est-ce qu’une bibliothèque digitale ?
Une bibliothèque digitale [12] [23] [27] [28] (numérique, virtuelle ou en ligne) est une collection de documents électroniques qui sont accessibles et consultables à distance via Internet [1]. Cette collection peut être accessible soit gratuitement soit via un abonnement dans l’établissement où l’on souhaite voir la collection.
Les bibliothèques numériques regroupent divers types de documents :
- Iconographiques
- Sonores
- Périodiques
- Monographies
- …
Les documents électroniques proposés sont soit des documents numérisés par l’institution, soit des documents de type numérique qui proviennent de différents sites Web. Les bibliothèques numériques ont trois caractéristiques communes :
- une collection de ressources ayant les mêmes types d’encodage et de diffusion.
- l’exploitation des métadonnées comme clefs de ressources.
- l’expression textuelle de ces métadonnées, sans tenir compte du type de format du document.
Les bibliothèques digitales en Belgique et ailleurs
Au départ de tout projet de bibliothèque numérique se pose la question des critères de sélection : que numériser, pour qui, dans quelles proportions, pour quel objectif (“sauver” les documents les plus abîmés, valoriser des fonds spécifiques, documents anciens, affiches, cartes,…) ?
Au niveau des bibliothèques nationales, il n’y a pas de modèle universel : en général, les bibliothèques ont adopté des approches mixtes, et progressives, combinant numérisation de masse, de corpus spécifiques, de documents partagés avec d’autres organismes, des documents les plus abîmés, etc. [23]
- En France : dès 1995, la BNF, soutenue par l’État, se lance dans la constitution d’une bibliothèque numérique, Gallica [30], à partir d’un corpus de 100.000 textes, dans une visée patrimoniale et encyclopédique. En 2007 s’engage une numérisation de masse des collections de la BNF.
- En Angleterre : la british library [31] évolue progressivement et par thématiques (manuscrits, musique, classiques littéraires anglais, presse). Mais sans réelle politique globale de numérisation [23].
- En Autriche : en 2003, la bibliothèque nationale [32] (ONB) a commencé par la numérisation de masse de la presse, puis de livres anciens, puis évolue vers une numérisation de masse. En 2010 : partenariat avec Google Books pour numériser 300.000 livres datant de 1500 à 1875.
- Aux USA : à la New York public library [33] (NYPL), la numérisation a avant tout été instituée par le développement de Google et son marché du livre numérique (qui, depuis 2004, numérise à grande échelle les collections de 5 bibliothèques publiques anglo-saxonnes) [23].
- Au Danemark : dès les années 2000 se développe un terreau fertile pour le développement du numérique en bibliothèques publiques (équipements informatiques, gratuité des services, compétences et formation continuée du personnel) [14]. La danish digital library [7] [13] [17] [25] se construit sur un modèle de coopération et de partage renforcé à tous les niveaux, national et local, tant sur les plans financier que technique et juridique.
- Au niveau Européen : une bibliothèque numérique européenne Europeana [34] est lancée en 2006, dans le double objectif de se défaire d’une influence commerciale (telle Google books) et anglo-saxonne. Elle dépend de la TEL (The European Library). Actuellement, elle offre un accès à 58.318.521 œuvres d’art, objets, livres, vidéos et sons de toute l’Europe.
- A l’international : depuis 2009, à l’initiative de l’UNESCO et de la bibliothèque du Congrès, la World digital library [35] offre gratuitement en plusieurs langues une large documentation du monde entier. Dans une visée de promotion de l’interculturalité, du digital, et éducative.
Parmi les facteurs qui ont permis aux bibliothèques de développer leurs projets de numérisation, on trouve les moyens financiers (soutien de l’État ou autres fonds publics, ou privés comme le partenariat avec Google), les ressources humaines suffisantes, une collaboration pertinente et une mutualisation efficiente entre structures locales et étatiques.
Et en Belgique… ?
Dès 2003 [2], puis en 2009 [3], le Conseil du livre (organe de la Fédération Wallonie Bruxelles) encourageait les Communautés et Régions francophones à prendre des mesures pour accompagner les bibliothèques publiques dans l’ère numérique :
– équipement des structures en Internet et TIC
– adaptations fiscales et réduction de la TVA pour les ressources digitales [4]
– concertation renforcée entre Régions, Communautés et gouvernement fédéral
– mise en place de rencontres d’échanges sectoriels et intersectoriels
– subventions et mesures incitatives (formations, accompagnement par des experts, soutien technique et financier aux projets de mutualisation des efforts entre acteurs de la chaîne du livre…)
– financement des bibliothèques dans leurs actions culturelles et d’éducation permanente autour du numérique et de l’Internet…
Pourtant, en Belgique, le contexte belge francophone reste marqué par :
- un (trop) faible soutien public aux activités des acteurs de la chaîne du livre liées à la numérisation, ainsi que par un manque de soutien aux nouveaux acteurs qui apparaissent avec le développement du numérique. [2] [3]
- un paysage institutionnel et linguistique plus morcelé. De facto, les efforts et productions, en termes de coopération et de mutualisation, sont nettement moins aboutis qu’au Danemark, par exemple.
- un développement des outils et technologies nettement plus tardif.
Les dispositifs les plus parlant en Belgique
Belgica [15] – la bibliothèque digitale de la KBR (Bibliothèque royale de Belgique) : 65.294 documents en ligne, en provenance de leurs propre fonds et de ceux d’autres lieux (manuscrits, iconographie, journaux, cartes, monnaies et médailles, documents sonores, etc.). Le travail de numérisation est assez lent à la KBR, il reste beaucoup à faire !
De manière générale, tout document numérisé [15] par la KBR est mis en ligne sur Belgica et son catalogue général [15]. La consultation soit est limitée au mode « image » soit est consultable en mode « texte », au sein d’une interface spécialisée, telle que BelgicaPress [15], pour les journaux. Les œuvres libres de droit sont publiées en ligne sans aucune restriction d’accès, tandis que les œuvres numérisées sous droits ne peuvent être consultées qu’au sein de l’institution. Si la consultation du patrimoine numérisé est libre et gratuite, il n’est pas possible de télécharger des images ou des documents. La KBR [29] propose toutefois un service de commande de reproductions [15]. En amont de sa numérisation, le service DIGIT [15] vérifie le caractère protégé ou non d’une œuvre. Il consigne le résultat de cette recherche dans un registre et précise ces éléments au sein des métadonnées, de manière à déterminer le niveau de diffusion autorisé de ces sources. Le service détermine également le type de licences à associer aux métadonnées et aux images qu’il produit.
Lirtuel [5] [9] [16] (2015) : Plateforme de prêt de livres numériques de la FWB pour les usagers du réseau de lecture publique. Outil de partenariat des bibliothèques centrales des provinces de Liège, Hainaut, Namur, Luxembourg, de la Ville de Bruxelles et la FWB.
Après un démarrage en douceur, on observe un essor rapide de nouveaux membres, lié au nombre croissant de ressources disponibles (actuellement 6.364), ainsi qu’aux efforts de simplification et d’optimisation de l’outil. Également aux fonctionnalités permettant aux bibliothécaires de publier des avis ou des sélections, et de favoriser la médiation et le conseil envers les usagers. Durant nos différents stages de Bloc 1, certains d’entre nous ont pu prendre part à une session de prêt interbibliothèque. Ce format de prêt peut être sous forme physique, grâce à Samarcande, mais également en format virtuel, grâce à Lirtuel. Cette plateforme nous a permis de nous rendre compte du nombre d’interactions entre bibliothèques publiques.
En Belgique néerlandophone : Flandrica [24] : Plate-forme regroupant les forces en matière de numérisation dans les bibliothèques patrimoniales flamandes, en particulier des six partenaires de Flanders Heritage Library. L’accent est mis principalement sur les documents visuellement intéressants ou pertinents pour l’histoire culturelle, qui sont présentés en haute qualité et largement contextualisés, par exemple, via des descriptions explicatives et des visites guidées. La collection en ligne contenait 425 articles lors de son lancement.
La question des droits d’auteurs
Selon Jean-François Bocquillon : <http://www.cours-de-droit.net/droit-d-auteur-a126530198>
« Le droit d’auteur est l’ensemble des droits dont dispose un auteur ou ses ayants droit (héritiers, sociétés de production), sur des œuvres de l’esprit originales et des droits corrélatifs du public à l’utilisation et à la réutilisation de ces œuvres sous certaines conditions. »
Par exemple, la danish digital library utilise ConsortiaManager [18] pour gérer l’ensemble de ses licences numériques et les offrir au public en libre-service. De plus, depuis janvier 2017, ce système offre une transparence totale puisqu’il permet de voir les statistiques de prêt, les prix et le renouvellement des licences et un graphique d’évolution. Ainsi, chaque bibliothèque publique du Danemark peut comparer l’offre de la DDL avec la sienne et commander le reste à la DDL pour augmenter son contenu.
Les bibliothèques danoises proposent à leurs usagers les 3 licences nationales [19] [21] [22] :
- eReolen Global qui offre des livres électroniques et de netbooks pour enfants et adultes. Tous les genres littéraires y sont disponibles et pour tous les âges.
- RB digital donne accès à des journaux et se basent sur les statistiques de prêt. Chaque usager peut donc y trouver son compte. Des revues spécialisées mondiales y sont également disponibles comme National Geographic, The Economist, Rolling stones, etc.
- PressReader est spécialisé presse du monde entier. Il est donc possible d’y retrouver plus 5000 journaux issus de 100 pays différents, le tout dans 60 langues différentes.
Ces 3 licences sont partiellement financées par les bibliothèques centrales du DK dans le cadre du projet de la superstructure numérique.
Métadonnées des ressources en ligne et normes
Les métadonnées sont des données sur des données. En tant qu’informations descriptives, elles servent à gérer et à retrouver des documents, et jouent ainsi un rôle essentiel dans l’accès à l’information. Utilisées pour trouver, gérer, maîtriser, préserver et comprendre les documents dans la durée, les métadonnées revêtent une importance capitale pour la gestion de l’information et de la connaissance. La durée de vie des données est ainsi prolongée en permettant aux entreprises de les réutiliser à de nombreuses reprises.
Les éléments obligatoires constituent un ensemble minimal de métadonnées, offrant ainsi un niveau de base des documents (à contenu non structuré). Les six éléments obligatoires sont les suivants :
· Identifiant unique généré par le système
· Langue
· Auteur
· Titre
· Sujet
· Date
Le rôle des métadonnées est de permettre des actions efficaces sur les informations en leur fournissant un contexte. Cependant, pour pouvoir exploiter les métadonnées, les entreprises ont besoin du Metadata Management. Sans gestion des métadonnées, les entreprises risquent de prendre les mauvaises décisions, basées sur les mauvaises données.
Nous avons l’habitude de travailler avec des normes. La plus courante est la ISO-639 que nous utilisons pour la catalographie dans notre catalogue personnelle. Nous distinguons maintenant le nombre de normes existantes et leur champ d’action.
Différentes normes régissent cette gestion de métadonnées, voici les plus fréquemment utilisées :
· ISO 639-2 alpha-3
· ISO 3166-1 alpha-3
· Dublin Core
Selon Eduscol : <http://eduscol.education.fr/numerique/dossier/archives/metadata/normes-et-standards/dublin-core/definition>
« Le Dublin Core est un format de métadonnées qui permet de décrire un document de par ses métadata. Il a pour objectif de fournir un socle commun d’éléments descriptifs suffisamment structuré pour permettre une interopérabilité minimale entre des systèmes conçus indépendamment les uns des autres. De ce fait, la cohérence est possible et l’échange de données également. »
Conclusion
Gérer une bibliothèque digitale, on le voit, suppose donc de soulever et de répondre à certaines questions primordiales en termes de politique d’acquisition, de financement, de numérisation, et de gestion des données, ainsi que de concertation.
La gestion des métadonnées et l’obtention des droits d’auteur sont essentiels au bon fonctionnement de n’importe quelle institution.
L’acquisition et l’institution des droits est une étape qui prend énormément de temps… L’auteur est-il toujours en vie? Sa famille veut-elle conserver ses droits? La maison d’édition qui a pu racheter les droits existe-t-elle toujours? Tant de questions à résoudre.
La gestion des métadonnées permet un visuel et un partage efficace des données. Si chaque document est correctement renseigné et qu’il suit correctement une norme, il pourra être compris par d’autres personnes et le partage n’en sera que plus efficace.
Le Danemark semble en la matière avoir développé certaines bonnes pratiques.
La bibliothèque numérique danoise est se veut un modèle de gouvernance qui englobe éléments de contenu, utilisateurs, architecture, fonctionnalité, qualité et politique.
Quelle est l’ampleur de leurs collections ? Sur quels critères se basent-ils pour les acquisitions ; et quelle est leur politique d’accès pour les publics ? Quel système la danish digital library a-t-elle mis en place pour régler la question des droits d’auteur à un niveau national, et ainsi faciliter la tâche aux bibliothèques locales ? Comment la DDL gère-t-elle la concertation entre les différents niveaux de pouvoir… et la participation citoyenne dans les processus décisionnels ? Quel est leur budget annuel et quel est le poste de dépenses principales ? Parallèlement aux bonnes pratiques, quels sont les principaux problèmes et défis qu’ils rencontrent aujourd’hui ?
Nous aurons la possibilité de découvrir ce projet de plus près le 9 mai à Copenhague. En attendant, le site web de la danish digital library [25] fournit toutes sorte d’informations.
LEROY Charly, RENARD Shannon, SCHMIT Johanne,
pour Les Huiles Essentielles
[1] MAEGAARD ASTRUP, Morten. Appen Biblioteket: Danskernes Digitale Bibliotek . [s. d.].
[2] CONSEIL DU LIVRE. Avis n°32 du Conseil du livre relatif à l’incidence de l’internet et du numérique sur la politique du livre . mai 2003.
[3] CONSEIL DU LIVRE. Avis n°38 : le développement du numérique et la chaîne du livre : mai 2009 : Conseil du livre . mai 2009.
[4] CONSEIL DU LIVRE. Avis n° 42 : taux de TVA réduit sur le livre numérique : septembre 2011 : Conseil du livre . 6 septembre 2011.
[5] FEDERATION WALLONIE BRUXELLES. Accueil – Lirtuel . [s.d]
[7] DDB – DANSKERNES DIGITALE BIBLIOTHEK. The Danish Digital Library [en ligne]. avril 2018.
[9] FEDERATION WALLONIE BRUXELLES. Le prêt en bibliothèque publique, aussi en numérique [en ligne]. [s. d.].
[12] FRANÇAISE, La Documentation. Les bibliothèques numériques. [s.d].
[13] HAPEL, Rolf. Danish Digital Library powered by TING – about Open Source and joined efforts in public libraries : 182 — What does the e-library mean for the public library users ?— Public Libraries . 27 juillet 2012.
[14] HAPEL, Rolf. Transformer les bibliothèques : la stratégie danoise pour la société de l’information. 1er janvier 2006.
[15] KONINKLIJKE BIBLIOTHEEK ROYALE. Belgica: la bibliothèque numérique de KBR. 20 mars 2018.
[16] NOËSON, Gaëlle. Lirtuel : quel avenir pour le projet PNB et le livre numérique en Fédération Wallonie-Bruxelles ? 8 février 2016.
[17] NOËSON, Gaëlle. Lirtuel, une plateforme en pleine croissance après 7 mois ! 12 octobre 2015.
[18] RICHARDY, Ann Sofie. ConsortiaManager – Libre-service pour licences numériques: La bibliothèque numérique danoise. [s. d.].
[19] RICHARDY, Ann Sofie. Magazines numériques à gogo: La bibliothèque numérique danoise. [s.d].
[21] THUESEN, Dorte BIRKEGAARD. Licences nationales: La bibliothèque numérique danoise. [s.d].
[22] THUESEN, Dorte BIRKEGAARD. Meilleure communication des licences numériques: la bibliothèque numérique danoise. [s. d.].
[23] VAYSSADE, Claire. Pour une histoire des bibliothèques numériques en Europe (1990–2010).1 janvier 2013.
[24] VLAANDEREN VERBELDING WERKT. Flandrica.be | Erfgoedbibliotheken online | About Flandrica.be. [s. d.].
[25] DANSKERNES DIGITALE BIBLIOTHEK. About the Danish Digital Library: Danskernes Digitale Bibliotek [en ligne]. [s. d.].
[27] WIKIPEDIA. Bibliothèque numérique [en ligne]. [S. l.] : [s. n.], 13 mars 2019.
[28] LEBERT, Marie. Bibliothèque numérique: une définition – Le livre 010101 (1971-2015) . [s. d.].
[29] DET KONGELIGE BIBLIOTHEK. Det Kongelige Bibliotek – The Royal Library [en ligne].
[30] ENGEL, Laurence. Gallica . [s. d.].
[31] BRITISH LIBRARY. Digital collections. Dans : The British Library . [s. d.].
[32] ÖSTERREICHISCHE NATIONALBIBLIOTHEK.Digital Library & Catalogues – Österreichische Nationalbibliothek . [s. d.].
[33] THE NEW YORK PUBLIC LIBRARY. New York Public Library . 2019.
[34] EUROPEAN UNION. Européana collections . 2019.
[35] LIBRARY OF CONGRESS. Bibliothèque numérique mondiale . 2019.
[36] ROUSE, Margaux. Que signifie Métadonnées? – Definition IT de Whatis.fr. [s. d.].
[37] ROSNAY, Melanie Dulong de. Image et droit, là où la technique s’en mêle… 2005.