Les archives audiovisuelles nécessitent pour leur conservation des traitements particuliers liés à leurs supports et à leur nature même. Dans cet article nous tenterons d’explorer d’une part la numérisation des documents audiovisuels et les étapes qui sont nécessaires à leur sauvegarde, d’autre part le traitement documentaire de ces documents, en particulier l’indexation, nécessaires à leur identification. Nous aurons la chance d’aborder un cas concret lié à la conservation et la valorisation des archives audiovisuelles lors de notre visite à l’Ina Lille. En attendant, vous pouvez déjà lire notre présentation de l’institution et de son action.
Quelques définitions…
Les documents audiovisuels
Un document audiovisuel est définit comme un enregistrement de son et/ou d’image animée et/ou fixe [1] quel qu’en soit le support. Il comprend les phonogrammes, les documents images animées ainsi que les images fixes.[2]
Une archive audiovisuelle est formée d’un ensemble de documents audiovisuels. Elle comprend des photographies, des films, des vidéos, du multimédia ainsi que des enregistrements sonores. Il s’agit de documents soit sur support visuel, soit sur support sonore ou bien les deux à la fois.[3]
La numérisation
Selon l‘ADBS, la numérisation est le fait de convertir un signal analogique en un signal numérique. Cette technique de numérisation permet de stocker des documents sous une forme électronique, quels qu’en soient les supports ou la nature [4].
Nettoyage et préparation :
Cette étape à pour but de maintenir une qualité de lecture des documents et aussi de conserver la fonctionnalité du support d’origine. Le nettoyage est indispensable, la méthode varie en fonction des supports :
- Débobinage / rembobinage (bandes, cassettes, film…),
- Contrôle des collures (bandes, film…),
- Dépoussiérage,
- Nettoyage à sec (bandes, cassettes…),
- Nettoyage humide (disques, film…),
- Chauffage éventuel en cas de bandes ou cassettes crissantes (audio) ou encrassantes (vidéo)[6]
Reconditionnement :
Comme nous allons numériser nos documents, il est conseillé de reconditionner les supports originaux.
Lecture :
Divers points sont à prendre en compte pour guider le documentaliste dans le choix de l’appareil de lecture le plus adéquat :
- Choix de la ressource de lecture (platine tourne-disque, magnétophone, magnétoscope, télécinéma)
- Choix des accessoires (cellules, pointes…)
- Choix des périphériques (filtres, TBC…)
- État des ressources et périphériques (assurance d’une maintenance périodique)
- Suivi de l’usure des accessoires (changements de pointes ou têtes magnétiques.
- Contrôle du bon calibrage des machines utilisées
- Choix des paramètres retenus (vitesse, niveaux…)
- Choix des matériels de lecture et des logiciels d’extraction dans le cas des CD Audio
Il est à noter que certains appareils contemporains des documents que l’on désire visionner ou écouter peuvent avoir une meilleure qualité de lecture que les appareils actuels. La difficulté de trouver des appareils en état de marche ajoute à l’urgence de numériser les fonds.
Calibrage de la chaîne de numérisation et création d’un fichier numérique
Les obstacles :
La numérisation rencontre de nombreux obstacles dont les principaux sont :
- “L’hétérogénéité des supports : la lecture des bandes anciennes et des tous premiers films ne peut se faire que sur le matériel approprié, qui n’est plus fabriqué et dont les derniers représentants nécessitent mille attentions pour être maintenus en état de marche !
- Le vieillissement des supports : les bandes se dégradent en vieillissant et le processus est irréversible ; rares sont les précautions (réglage de la température et de l’hygrométrie) qui permettent de le contenir.
- L’absence de support de stockage pérenne : contrairement à ce que l’on imagine souvent, la numérisation n’est qu’une pause dans un processus de migration de supports continu.” [7]
Les techniques de numérisation
Pour transférer des documents audiovisuels, sont utilisés différents outils en fonction des médias ( films, vidéos, sons, etc.) comme [8] :
- Le télécinéma ou TC. Il est utilisé pour la télévision en transformant le film en signal vidéo en SD (définition standard) ou HD (haute définition). Le transfert prend en compte à la fois l’image et le son et se fait en temps réel.
- Le scanner. Il est essentiellement utilisé pour le cinéma. Les fichiers sont produits en 2k, 4k, 8k, 16k. La numérisation se fait en temps calculé. Son temps de traitement est plus élevé que celui du télécinéma. Il ne traite que l’image contrairement au TC. Il fournit des fichiers qui peuvent être encodés aux formats souhaités.
Méthodes de conversion des cassettes VHS d’un support analogique en un support numérique [9] :
- La méthode de conversion en DVD
Pour cette méthode, la numérisation se déroule grâce à un lecteur de dvd et de cassettes. L’unité de lecture est donc aussi le numériseur. D’un côté de l’appareil se trouve le magnétoscope et de l’autre, le lecteur de DVD. La durée de la numérisation diffère selon la qualité du magnétoscope dans l’unité de lecture.
Les avantages de cette méthode sont sa simplicité d’utilisation, le peu de connaissance sur l’équipement requis. Il n’y a pas besoin d’un ordinateur puissant pour la numérisation et cette méthode a un coût faible sur le budget.
Par contre, cette méthode engendre des pertes de données, une baisse de qualité lors de la lecture du DVD, plusieurs DVD-ROM seront nécessaires à l’enregistrement, le signal vidéo ne sera pas optimal lors de la numérisation et les défauts de la cassette seront reportés et accentués sur le DVD.
Matériel : lecteur DVD et VHS. Support : DVD-R
- La méthode de conversion à partir d’un appareil de capture externe
Cette méthode “ […] offre plus de souplesse que la première méthode de numérisation, particulièrement en ce qui concerne le choix du type de lecteur, de la méthode de correction du signal, du dispositif de capture externe et, enfin, du type de support de stockage. Toutefois, cette souplesse est associée à davantage de complexité et à une augmentation des coûts. “
Les avantages de cette méthodes sont que les connaissances requises sont faible. Par rapport à la première méthode, elle améliore la qualité des DVD. Les fichiers AVI sont faciles à éditer. Elle permet généralement d’obtenir une meilleure qualité que celle offerte par les DVD. Les fichiers au format AVI sont faciles à éditer. Il y a une plus grande souplesse dans le choix du lecteur et du type du type d’ordinateur à utiliser, de plus, cette méthode permet une correction du signal transmit au numériseur. “Les dispositifs de capture externes (séparés de l’ordinateur) ont l’avantage de ne pas priver l’ordinateur de ressources lors du traitement des données.”
“La vidéo numérisée peut être stockée sur des supports différents et enregistrée dans certains types de formats de fichiers.”
Par contre, le coût, au niveau du budget, est plus élevé que celui de la première méthode. Les pertes de données des documents audiovisuels seront irréversibles et les altérations seront visibles à l’écran. Il faudra veiller à la qualité de la compression car, sinon, cela entrainera la dégradation du document. Les fichiers créés peuvent être très volumineux. Les dispositifs de captures bon marché ne permettent pas d’obtenir des vidéos de qualité optimale. La qualité peut baisser avec le format MPEG-2 et l’édition dans ce format peut être problématique. Enfin, un ordinateur puissant est demandé pour le traitement de la vidéo numérisée.
Matériel : un magnétoscope VHS professionnel ou semi-professionnel ou un magnétoscope S-VHS, un appareil de capture, ordinateur puissant
Support : DVD-R, BD-R
- La méthode de la conversion en fichier numérique au moyen d’une carte d’acquisition vidéo interne
« Cette configuration nécessite l’utilisation d’une carte d’acquisition vidéo interne (installée dans l’ordinateur) et offre une souplesse maximale dans le choix du format de fichier et de la qualité de la numérisation. »
Cette méthode offre comme avantage de ne pas numériser avec une compression de donnée. Ce qui aura pour effet de garantir, la qualité du document audiovisuel après la numérisation et qu’il n’y aura aucun effet de détérioration à l’écran. Le format AVI utilisé est normalisé.
Par contre, cette méthode entraine que la taille des fichiers soient très volumineux. Le stockage de ces fichiers engendre un important coût. Les cartes d’acquisitions vidéos internes coûtent plus cher que les dispositifs de numérisation des deux autres méthodes. Certains logiciels ne peuvent pas lire de fichier non compressés. Des connaissances spécifiques sont demandées pour la mise en œuvre de cette méthode.
Matériel : un magnétoscope VHS professionnel ou semi-professionnel ou un magnétoscope S-VHS, un appareil de capture, ordinateur puissant
Support : disque dur
L’indexation des archives audiovisuelles
La recherche à l’INA Expert se situe autour de quatre axes :
- l’archivage et la préservation : incluant la restauration, la sauvegarde et l’archivage audiovisuel numérique
- l’indexation et la documentation, incluant la recherche d’images et la rhétorique de l’image
- l’exploitation et la publication des contenus, incluant des outils de consultation et de publication
- la présentation et la fouille de données. [10]
Relevons l’aspect de l’indexation des archives audiovisuelles pour expliquer la manière dont l’INA traite celles-ci. Selon le CARHOP et son guide sur les Archives et la documentation [11], le traitement des archives audiovisuelles est différent du traitement que l’on fait des autres supports (livres, cartes, monographies en plusieurs volumes, etc.). Elles se présentent sous plusieurs formes (photographiées, filmées, animées, sonores, etc.). Leur conservation va donc aussi être différente, elle se fait à l’aide de supports divers : disques, cassettes, bandes sonores, etc.
Les documents audiovisuels conservés font partie de fonds particuliers, au même titre que les autres archives. Les mêmes principes sont donc à appliquer pour ces archives. Ce qui change, par contre, ce sont les méthodes : la combinaison d’informations (image et son) et, parfois, de supports, demande un traitement particuliers.
En outre, la notion d’œuvre, au sens propre du terme, conférée à ces documents intervient tant au niveau de la conservation (le dépôt légal notamment) qu’au niveau de la communication et de la reproduction. Les archives audiovisuelles sont publiques par destination (mémoire collective) mais non par nature. La notion de droits d’auteurs intervient ici car les auteurs ou les producteurs décident de la diffusion ou non de leurs œuvres en public.
Une des différences de traitement demeure dans l’analyse et la description des documents. Le contenu d’une archive audiovisuelle demande une description technique, plus importante que pour d’autres documents.
Exemples de contenu descriptif que l’on pourrait mettre en place pour des archives photographiques
- Le nom du fonds (suivi du numéro ou du sigle)
- Numéro provisoire, définitif et la cote topographique*.
- Un espace pour indication (contre-indication concernant le document)
- Le cadre de classement (avec un signalement de la provenance de la photo et le lieu de prise de vue de la photographie)
- Analyse du contenu (mot-clé, description, titre, sujet, éventuellement auteur, lieu, date)
- Données techniques (original ou copie, matériau utilisé pour le support, noir et blanc ou couleur, format, copyright éventuel)
- Notes diverses. [12]
*Une cote topographique correspond à une cote de rangement, c’est à dire à l’emplacement physique du document.
Exemple de contenu pour les documents sonores et les vidéogrammes
- Nom du fonds (numéro et sigle)
- Numéro provisoire, numéro définitif, cote topographique
- Titre original (ou ancienne cote éventuellement)
- Cadre de classement
- Analyse du contenu (date, lieu, sujet, titre, circonstances de la production du document, auteur ou réalisateur)
- Données techniques (original ou copie, format, support, durée de l’enregistrement, vitesse d’enregistrement, séquence des bandes). [13]
Par ailleurs, pour les films, on reprendra les mêmes éléments, mais on reprendra le nom des personnages principaux, du ou des auteur(s), du réalisateur (et éventuellement les autres membres de l’équipe de tournage) ainsi qu’une description ou un résumé.
On peut remarquer qu’un traitement est aussi différent selon le genre du document (le son et la photographie ne sont pas décrits de la même manière).
Bibliographie
ASSOCIATION FRANÇAISE DES DOCUMENTALISTES ET DES BIBLIOTHÉCAIRES SPÉCIALISES (ADBS). L’association des professionnels de l’information et de la documentation [en ligne]. [consulté le 09 mai 2017]. Disponible sur le web: <http://www.adbs.fr/document-audiovisuel-16839.htm?RH=OUTILS_VOC>[2]
Stage Technique International des Archives. Supports audiovisuels et numériques [en ligne]. [consulté le 10 mai 2017]. Disponible sur le web: <https://francearchives.fr/file/ed2df1cb68164065ac1c15fe061209ba7d1c1da0/static_3837.pdf>[3]
ASSOCIATION FRANÇAISE DES DOCUMENTALISTES ET DES BIBLIOTHÉCAIRES SPÉCIALISES (ADBS). L’association des professionnels de l’information et de la documentation [en ligne]. [consulté le 09 mai 2017]. Disponible sur le web: <http://www.adbs.fr/numerisation-17991.htm?RH=OUTILS_VOC>[4]
BAUDRY, Anne. « Missions et problématiques » [en ligne]. In CLUBIC. Publié le 19 mai 2006 [consulté le 25 avril 2017]. Disponible sur le Web : <http://www.clubic.com/article-34863-2-quand-lina-fait-ses-premiers-pas-sur-le-web.html>[5]
CENTRE D’ANIMATION ET DE RECHERCHE EN HISTOIRE OUVRIÈRE ET POPULAIRE. Archives et documentation. Guide à l’usage des associations et des particuliers. Bruxelles : Éditions Vie Ouvrière, 1993. (Chronique sociale). p. 67-71[11][12][13]
IFLA, SECTION AUDIOVISUEL ET MULTIMÉDIA. “ Recommandation relatives aux Documents Audiovisuels et Multimédia a l’usage des bibliothèques et autres institutions” [en ligne]. Publié en mars 2004 [Consulté le 9 mai 2017]. Disponible sur le Web : < https://www.ifla.org/files/assets/hq/publications/professional-report/87.pdf >[1]
INSTITUT NATIONAL DE L’AUDIOVISUEL. « Nos savoirs – recherche audiovisuelle » [en ligne]. In Institut national de l’audiovisuel. Nous connaître. Mise à jour en 2017 [consulté le 12 mai 2017]. Disponible sur le Web : <http://www.institut-national-audiovisuel.fr/nous-connaitre/nos-savoirs/recherche-audiovisuelle.html>[10]
INSTITUT NATIONAL DE L’AUDIOVISUEL (Ina). «Manuel de sauvegarde et de numérisation des archives audiovisuelles » [en ligne]. In MedMem,. Publié en juillet 2011 [consulté le 19 mai 2017]. Disponible sur le Web : <http://www.medmem.eu/uploads/safeguard_manual_fr.pdf>[5][7]
LES ARCHIVES DE LA VENDÉE. « Documents audiovisuels »[en ligne]. In Les Archives de la Vendée. Publié en novembre 2016 [consulté le 12 mai 2017]. Disponible sur le Web : <http://www.archives.vendee.fr/Decouvrir/Documents-audiovisuels>
THÉRON, Dominique, FRANCE. MINISTERE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION. “Écrire un cahier des charges de numérisation de collections sonores, audiovisuelles et filmiques” [en ligne]; In Commité de pilotage numérisation. Publié en août 2009 [consulté le 9 mai 2017]. Disponible sur le Web : < https://francearchives.fr/file/9c1987da1084ddc8f81eae806042c6c57a7ec2fc/static_7929.pdf>[6]
Pour aller plus loin
INSTITUT NATIONAL DE L’AUDIOVISUEL (INA). « Migrations numériques » [en ligne]. In Webzine. Publié le 17 octobre 2012 [consulté le 27 avril 2017]. Disponible sur le Web : <http://www.institut-national-audiovisuel.fr/actualites/webzine/migrations-numeriques.html>
LAUXERROIS, Bernard. Migration de données : d’un système à l’autre : la démarche complète. Saint-Herblain: Eni Editions, 2009. (Data Pro).
LA COMMUNAUTE ( Louvre Lens Vallée). « L’institut national audiovisuel : conservation, valorisation et transmission »[en ligne]. In Louvre lens vallée. publié le 18 novembre 2014 [consulté le 20 avril 2017]. Disponible sur le Web : <http://www.louvrelensvallee.com/p1238/>
AMBLARD, Marie-Claire. « La numérisation des archives de l’Ina »[en ligne]. Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2007, n° 2, p. 41-43. Disponible sur le web : <http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2007-02-0041-007>. ISSN 1292-8399.
KATTNIG, Cécile. « Recherche/archives : numériser les images et après ? »[en ligne]. Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2010, n° 2, p. 86-87. Disponible sur le web : <http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2010-02-0086-007>. ISSN 1292-8399.
KATTNIG, Cécile. « Indexation des images et des sons »[en ligne]. Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2006, n° 4, p. 96-97. Disponible sur le web : <http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2006-04-0096-013>. ISSN 1292-8399.